Le Conseil d’Etat français a rendu le 24 février dernier une décision qui ne fera pas le bonheur des résidents belges qui détiennent des immeubles en France au travers de SCI françaises. La SCI n’est décidément pas le paradis fiscal dont rêvent certains Belges…
Les ménages belges possèdent plus de 55.000 résidences secondaires en France. Souvent, l’immeuble est logé dans une société civile immobilière (« SCI ») française. La SCI exerce une véritable fascination chez les habitants du Royaume. Si son fonctionnement est simple, elle reste un instrument juridique idéal pour mettre en place une planification patrimoniale et successorale, éviter les inconvénients d’une indivision,… Les SCI ne sont toutefois pas des outils d’optimisation fiscale. Que du contraire !
La SCI est une bête particulière. Elle n’est pas à strictement parler « transparente » en droit fiscal français, mais « translucide » : la SCI est dotée d’une personnalité juridique distincte et demeure un sujet fiscal, quand bien même l’impôt serait acquitté par ses associés.
Les associés belges qui recueillent un dividende d’une SCI subissent un véritable matraquage fiscal. D’abord, ils supportent directement l’impôt en France sur les loyers perçus par la SCI, selon le régime des revenus fonciers. Ensuite, ils sont taxés à nouveau en Belgique à l’IPP au titre de dividende (au taux de 30%), en cas de distribution de revenus par la SCI. Cette taxation en Belgique a été entérinée par la Cour de cassation belge dans deux arrêts de 2016 et 2017, suivant lesquels les revenus tirés d’une participation dans une SCI française ne peuvent pas être vus comme des revenus immobiliers, taxables exclusivement dans l’Etat de situation du bien (la France) en vertu de l’article 3 de la convention préventive de la double imposition belgo-française (la « CPDI »).
Par contraste, lorsqu’ils réalisaient une plus-value lors de la cession de leurs parts dans la SCI, les associés belges échappaient en principe à toute imposition, tant en France qu’en Belgique.
Il était ainsi généralement admis que c’était la Belgique (et non la France) qui avait le pouvoir de taxer la plus-value sur le fondement de l’article 18 de la CPDI, suivant lequel les revenus non visés par un article spécifique de la CPDI sont imposables dans l’Etat de résidence du contribuable. Or, en Belgique, la plus-value sur actions est exonérée dès lors que l’opération relève de la gestion normale du patrimoine privé.
Depuis quelques années, l’administration fiscale française conteste vigoureusement cette lecture de la CPDI franco-belge. Elle considère que les parts d’une SCI française sont des « biens immobiliers», de sorte que le pouvoir d’imposition des plus-values réalisées lors de leur cession appartiendrait à la France (en tant que pays de situation des biens en question), en vertu de l’article 3 de la CPDI. Dans un arrêt fort controversé du 24 février 2020 qui a défrayé la chronique, le Conseil d’Etat français a validé l’approche administrative. Selon les magistrats français, l’interprétation de la notion de « bien immobilier » au sens de la CPDI doit être appréciée au regard du droit fiscal français. Or, en vertu de la législation fiscale française, lorsqu’elle est réalisée par un non-résident français, une plus-value sur actions d’une SCI subit le même traitement fiscal qu’une plus-value sur un immeuble détenu en direct. Par conséquent, les parts de SCI sont assimilables à des biens immobiliers en droit fiscal français.
Les contribuables belges ne sont pas à l’abri d’un redressement de l’administration fiscale française, dans l’hypothèse où ils auraient réalisé une plus-value lors de la cession de leurs parts dans une SCI. Le fisc français pourrait réclamer, outre le prélèvement de 19%, la taxe sur les plus-value immobilières élevées de 6% et le prélèvement de solidarité de 7,5%... soit une imposition avoisinant 32,5% de la plus-value.
Dans le cadre de la nouvelle CPDI entre la France et la Belgique, il est question d’insérer une clause qui confèrerait à l’Etat où les immeubles sont situés le pouvoir d’imposer les gains de cession d’actions de sociétés à prépondérance immobilière. Dès l’entrée en vigueur de la nouvelle CPDI, ces discussions interminables autour de la qualification des parts de SCI deviendront superflues, puisque la France pourra clairement taxer les plus-values de cession de parts de SCI par des résidents belges.