Le Règlement UE 1924/2006 sur les allégations nutritionnelles et de santé prévoit qu’on ne peut faire référence aux effets bénéfiques généraux, non spécifiques, d’un nutriment ou d’une denrée alimentaire, sur l’état de santé général et le bien-être lié à la santé, que si une telle référence est « accompagnée » d’une allégation de santé spécifique (art. 10 § 3). Le Règlement ne précise toutefois pas comment doit être interprétée cette notion d’ « accompagnement » et notamment si les allégations doivent figurer à proximité immédiate l’une de l’autre, dans le même champ visuel, si un astérisque renvoyant vers l’allégation spécifique suffit, etc.
Dans l'affaire C-524/18, Dr. Willmar Schwabe contre Queisser Pharma, le Bundesgerichtshof allemand a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne ("CJUE") de préciser si une allégation générale figurant sur la face avant de l'emballage d’un produit alimentaire était "accompagnée" d'une allégation de santé spécifique au sens de l'article 10 § 3 du Règlement, si cette dernière figurait au verso, sans aucun renvoi explicite à celle-ci (par exemple au moyen d’une astérisque).
Dans ses conclusions, l'Avocat général Hogan avait suggéré une approche en trois étapes pour interpréter l'article 10 § 3 du Règlement : (1) l'allégation de santé spécifique doit être autorisée, (2) l'allégation de santé spécifique doit étayer l'allégation de santé générale et (3) la relation entre les deux allégations doit être déterminée par référence au "consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé". Il concluait que la juridiction nationale devait examiner si la relation entre les deux allégations était suffisamment claire pour un consommateur moyen. Selon lui, il suffirait que "que les allégations de santé spécifiques soient suffisamment mises en évidence pour qu’elles soient accessibles et puissent être lues par le consommateur", sans qu'il soit nécessaire que les deux allégations soient placées "à proximité de, après, ou soient immédiatement adjacentes aux allégations de santé générales".
Dans son arrêt, la Cour de Justice adopte une approche différente s’agissant de l’interprétation du terme "accompagné" au regard de l’article 10 § 3 du Règlement. Ainsi, la Cour décide que le terme doit être interprété en tenant compte à la fois d'une "dimension matérielle et visuelle" et qu'il appartient à la juridiction nationale de déterminer si le produit en question répond au test.
Quant à la "dimension matérielle", la CJUE relève que l'allégation de santé générale et l'allégation de santé spécifique doivent « correspondre », ce qui implique, en substance, que « la première soit pleinement étayée par la seconde ». Toutefois, un lien aussi clair entre le contenu des allégations, indépendamment de leur emplacement sur l'emballage, est insuffisant.
La CJUE poursuit en décidant que les deux allégations doivent être situées sur l'emballage de manière à permettre à un consommateur moyen de comprendre le lien entre les deux (la "dimension visuelle"). Selon la CJEU, un « lien visuel direct entre la référence aux effets bénéfiques généraux, non spécifiques, sur l’état de santé, et l’allégation de santé spécifique (…) requiert, en principe, une proximité spatiale ou un voisinage immédiat entre la référence et l’allégation », afin que le consommateur moyen puisse reconnaître immédiatement le lien entre les deux allégations. La CJUE fait référence à cet égard au document d’orientation de la Commission européenne concernant l'article 10 du Règlement (décision d’exécution 2013/63) pour démontrer que la dimension visuelle a un certain rôle à jouer dans l'interprétation du terme "accompagné".
Toutefois, la CJUE note également qu'il est possible, "exceptionnellement", qu'une allégation de santé générale et une allégation de santé spécifique "accompagnante" n'apparaissent pas sur la même face de l'emballage, à condition qu'un « renvoi explicite, tel un astérisque" permette au consommateur de faire le lien entre les deux allégations ». La Cour cite à cet égard comme cas de figure celui où les allégations de santé spécifiques ne peuvent figurer dans leur intégralité sur la même face de l’emballage en raison de leur nombre important ou de leur longueur.
La Cour de Justice fixe ainsi des exigences plus strictes que l’Avocat général dans l’appréciation de la notion d’accompagnement en réduisant la marge de manœuvre des entreprises du secteur alimentaire dans le placement des allégations sur l’emballage de leurs produits.