- La crise sanitaire entraine une crise économique
Dans le cadre de ses pouvoirs spéciaux, le gouvernement a pris un Arrêté royal n°15 instituant un sursis temporaire de paiement pour les entreprises en difficulté.
Le gouvernement part du constat que face à la disparition totale ou partielle du chiffre d’affaires et du maintien des coûts fixes, nombre d’entreprises vont se trouver en manque de trésorerie.
Certes, il existe la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) qui permet un gel des paiements dans une période de plusieurs mois mais il risque d’y avoir un afflux de telles procédures et un encombrement des tribunaux. En outre, la PRJ vise à geler les dettes anciennes mais non les dettes nouvelles.
Le gouvernement a donc considéré à raison qu’il fallait une mesure de soutien général et une sorte de « cessez-le-feu dans une situation où presque toutes les entreprises sont à la fois débitrices et créancières. »
A l’estime du gouvernement, ce moratoire temporaire alliera (i) efficacité en termes de coûts et de temps, (ii) égalité de traitement et (iii) respect de la concurrence.
Le gouvernement insiste sur le fait que ce moratoire provisoire « n’affecte pas l’obligation de paiement ». En d’autres termes, « il ne s’agit pas de conférer aux débiteurs un droit de ne pas payer. » Ce régime temporaire est là pour sauvegarder la continuité des entreprises en difficulté mais non de « servir d’alibi ou d’incitation à ne pas payer. » Une mesure « anti-abus » est d’ailleurs prévue.
- Entreprises visées
Les entreprises sont toutes les entreprises visées par le Livre XX du Code de droit économique (CDE), c-à-d essentiellement toutes les personnes morales et les personnes exerçant une activité de manière indépendante qui n’étaient pas déclarées en faillite le 18 mars 2020.
Par contre, ce moratoire temporaire ne vise nullement le conjoint, ex-conjoint, cohabitant légal ou ex-cohabitant légal du débiteur. Il en découle que ces derniers pourront être poursuivis pour les dettes du débiteur dont ils seraient caution ou codébiteur.
- Durée des mesures prises dans le cadre du moratoire temporaire
Ce moratoire entre en vigueur le 24 avril 2020 pour se terminer le 17 mai 2020 inclus. Le gouvernement se laisse cependant la possibilité de prolonger la durée de ce moratoire.
- Principales mesures prises en faveur de ces entreprises
Suspension des mesures de recouvrement des dettes et de l’exécution forcée
Pour toutes les dettes de l’entreprise (en ce compris celles reprises dans un plan de réorganisation dans le cadre d’une PRJ), aucune saisie tant conservatoire qu’exécution ne peut être pratiquée, sous réserve de deux exceptions :
- Les saisies immobilières;
- Les saisies sur les navires et les bateaux.
Protection contre la faillite ou la liquidation judiciaire
L’entreprise ne peut être déclarée en faillite sur citation ni en liquidation judiciaire, si c’est une personne morale, sous réserve d’une exception : si la citation est mue par le parquet ou par un administrateur provisoire nommé dans le cadre de l’article XX.32 CDE.
Un transfert sous autorité de justice de tout ou partie des activités d’une entreprise sous PRJ est également suspendu jusqu’à l’issue du moratoire.
Une entreprise peut toujours faire aveu de faillite ou décider de sa dissolution volontaire, si c’est une personne morale.
Impossibilité de résolution unilatérale ou judiciaire d’un contrat pour non-paiement d’une dette due dans le cadre de celui-ci
Un contrat conclu avant l’entrée en vigueur du moratoire ne pourra être résolu pendant cette période pour non-paiement d’une dette exigible dans le cadre de ce contrat.
Cette disposition n’est pas applicable aux contrats de travail.
Protection des banquiers dans le cadre de nouveaux emprunts ou crédits
Pour faciliter l’octroi de nouveaux crédits (la mesure ne vise pas la renégociation de contrats existants), l’Arrêté royal n° 15 prend des mesures protectrices concernant les nouveaux contrats et les suretés qui y sont liées et allège la responsabilité potentielle du « dispensateur de crédit ».
- Recours possible devant le Président du tribunal de l’entreprise
Suivant l’Arrêté royal n° 15, « Tout intéressé », c.-à-d. en pratique un créancier qui considère soit que le débiteur n’est pas dans les conditions pour bénéficier de ce sursis de paiement soit que ce moratoire de paiement le met lui-même en difficulté, peut agir devant le Président du tribunal de l’entreprise du débiteur qui prendra l’affaire en référé et rendra sa décision « toutes affaires cessantes » en prenant en compte l’équilibre des intérêts des deux parties à la cause.
- Rappel de la subsistance de règles de droit commun
A bon escient, l’Arrêté royal n° 15 rappelle que les mesures prises et évoquées au point "Principales mesures prises en faveur de ces entreprises" ne dérogent pas à l’obligation de paiement (la compensation est encore possible) et à ses sanctions contractuelles, telles que l’exception d’inexécution ou encore le droit de rétention.
De même, cet arrêté royal ne suspend nullement l’application de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières protégeant les crédits et emprunts bancaires.
Enfin, comme déjà évoqué, ce moratoire ne vise pas non plus « les obligations des employeurs ». Le personnel salarié de l’entreprise devra donc continuer à être payé s’il travaille effectivement.