Le Conseil d’Etat octroie à la candidate évincée une indemnité réparatrice de 2.000 euros pour le dommage engendré par le fait qu’elle n’a pu prendre connaissance de la motivation adéquate de la décision que trois ans après la clôture de la procédure de sélection originaire.
Les faits
Madame R. dépose sa candidature à la fonction de greffier du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Sa candidature est classée deuxième et le candidat classé premier est désigné à la fonction le 27 mars 2015, au terme d’un vote.
Madame R. introduit un recours contre cette décision devant le Conseil d’Etat. Elle affirme notamment que la motivation de la décision ne démontre pas suffisamment que l’autorité a procédé à une juste comparaison des titres et mérites des candidats, ni les raisons pour lesquelles sa candidature n’a pas été retenue.
Par un arrêt du 28 novembre 2017, le Conseil d’Etat donne raison à la requérante et annule la décision, mais l’autorité maintient sa décision initiale (par 52 voix contre 11) et procède à une réfection de la motivation en adoptant une nouvelle décision le 2 mars 2018.
Madame R. introduit un nouveau recours, qui est rejeté par le Conseil d’Etat. La désignation du candidat adverse devient donc définitive.
La requérante réclame cependant une indemnisation pour les préjudices qu’elle estime avoir subis en raison des irrégularités commises par l’autorité.
La décision du Conseil d’État
La requérante soutient avoir subi un double dommage : moral et matériel.
D’une part, elle invoque un dommage moral dû au fait que sa candidature a été jugée insuffisante (pour des raisons incompréhensibles) et a été présentée comme telle à l’ensemble des membres du Parlement pour lequel elle travaillait depuis plus de 28 ans. Le Conseil d’Etat rejette ce chef de demande, en rappelant qu’un arrêt d’annulation répare en principe, par lui-même, le préjudice moral causé par l’acte illégal. Il doit exister des circonstances particulières pour qu’une indemnité réparatrice soit octroyée pour un préjudice moral. Or, tout concours pour un emploi public comporte en soi un risque d’échec. Le simple fait de ne pas avoir été choisi n’est pas particulièrement humiliant et ne porte pas atteinte à l’honneur du candidat évincé, sauf si la décision comporte des considérations dénigrantes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
D’autre part, la requérante soutient avoir subi un dommage matériel consistant en la perte d’une chance d’être désignée au poste et de percevoir le traitement y afférent. Pour le Conseil d’Etat, l’autorité a procédé correctement à la réfection de la décision annulée. La nouvelle motivation (validée par le Conseil d’Etat qui a rejeté le second recours) démontre que l’autorité a procédé, dès l’adoption de la décision initiale, à une correcte comparaison des candidatures et que la requérante n’a donc pas perdu une chance d’être nommée.
La requérante a pu (finalement) comprendre les raisons pour lesquelles sa candidature n’a pas été retenue. En revanche, le Conseil d’Etat relève qu’elle a dû attendre le mois de mars 2018, soit environ trois ans, avant d’être informée correctement. Pour ce préjudice, elle reçoit une indemnisation chiffrée ex aequo et bono (« en équité ») à 2.000 euros.
Que retenir ?
Un candidat évincé ne subit pas un dommage matériel ou moral du simple fait que sa candidature n’a pas été retenue, dès l’instant où l’autorité a procédé à une adéquate comparaison des titres et mérites. Cette comparaison doit ressortir de la motivation formelle de la décision. L’acte de désignation initial peut certes être régularisé sur ce point. L’incompréhension dans laquelle l’autorité laisse le candidat évincé quant aux motifs du rejet de sa candidature constitue néanmoins un dommage réparable, lorsque cette réfection intervient après plusieurs années.
Source : C.E., 17 mai 2019, n° 244.533 et 3 février 2020, n° 246.930, Rosenoër.