26/02/11

Het Benelux Gerechtshof oordeelt over de reflexwerking inzake het merkenrecht

Selon la Cour de Justice Benelux, le titulaire d’une marque, éteinte en vertu du droit uniforme Benelux, ne peut pas revendiquer une protection contre le seul usage de ce signe par une entreprise qui crée une confusion en utilisant ce même signe.

1. La Cour de Justice Benelux s’est récemment prononcée sur la question de l’ « effet réflexe » en matière de droits intellectuels, selon lequel les règles de concurrence déloyale ne pourraient être utilisées pour remplacer le droit de propriété intellectuelle.

2. Cette question est fortement débattue tant en doctrine qu’en jurisprudence.

3. Les partisans de l’effet réflexe en droit des marques défendent la thèse selon laquelle une marque doit être enregistrée pour pouvoir être invoquée dans le cadre d’une procédure judiciaire, et qu’en cas de radiation de ladite marque, aucune protection ne peut lui être accordée.

Cette position repose sur l’article 2.19.1 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (CBPI), indiquant que :

«... nul ne peut, quelle que soit la nature de l’action introduite, revendiquer en justice un signe considéré comme marque, au sens de l’article 2.1, alinéas 1 et 2, sauf s’il peut faire valoir l’enregistrement de la marque qu’il a déposée».

4. Quant aux opposants à l’effet réflexe, ceux-ci estiment que toute confusion créée par une entreprise par rapport à un signe distinctif d’un concurrent doit être sanctionnée, et ce indépendamment du sort réservé à ce signe en vertu du droit des marques.

Ceux-ci invoquent l’article 10bis 3° de la Convention de Paris (CP), selon lequel les états qui y adhèrent sont tenus d’assurer à leurs ressortissants une protection effective contre la concurrence déloyale, et notamment contre «tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent».

5. Dans le cas d’espèce, la Cour de Justice Benelux a été saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour de Cassation belge dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés à propos de l’usage concurrent de marques très similaires comprenant les lettres « DE », déposées l’une en 1997 pour des appareils électroménagers, des appareils d’éclairage, de chauffage et de climatisation (D. Engels) :

>>>

et l’autre en 2003 pour des appareils électroniques de divertissement, des cuisinières et des réfrigérateurs (Daewoo Electronics) :

>>>
 
Au cours de la procédure judiciaire antérieure, la marque « DE » d’Engels avait été déclarée éteinte et radiée par le Tribunal de Commerce d’Anvers, suite à un défaut d’usage normal de celle-ci pendant une durée de cinq ans, et ce conformément à l’article 2.26.2.a CBPI. Ce jugement avait été ensuite confirmé par la Cour d’Appel d’Anvers.

6. Néanmoins, et indépendamment de l’extinction et de la radiation de sa marque « DE », Engels soutenait que, son logo d’entreprise comprenant également le même signe « DE », l’article 10bis 3° de la Convention de Paris interdisait à Daewoo Electronics de faire usage de sa propre marque « DE » en raison de la confusion qu’elle crée ainsi avec ledit logo d’entreprise.

La thèse d’Engels se justifie d’autant plus que l’article 4.7 CBPI autorise les ressortissants du Benelux à revendiquer l’application à leur profit des dispositions de la Convention de Paris, et qu’en outre, selon l’article 4.8 CBPI, les dispositions de la CBPI ne portent pas atteinte à l’application de la Convention de Paris.

7. Par son arrêt du 3 avril 2009, la Cour de Cassation a dès lors posé la question suivante à la Cour de Justice Benelux :

«... l’article 2.19, alinéa 1er, CBPI (...) lu(s) en combinaison avec l’article 4.8 CBPI, doivent-ils être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque qui est éteinte en vertu du droit uniforme Benelux ne peut pas revendiquer une protection pour l’usage de ce signe à l’égard d’une entreprise qui crée une confusion en utilisant ce même signe ?»

8. Dans son arrêt du 23 décembre 2010, la Cour de Justice Benelux semble avoir définitivement tranché la question de l’effet réflexe en droit des marques.

Rappelant la condition de l’enregistrement de la marque imposée par l’article 2.19 CBPI, la Cour affirme explicitement que le titulaire d’une marque éteinte et radiée ne peut obtenir en justice aucune protection, pas même celle du droit commun, pour sa marque, dès lors qu’il ne peut plus se prévaloir de l’enregistrement de celle-ci.

Selon la Cour, qui rappelle que la condition de l’enregistrement de la marque fait partie depuis toujours du droit Benelux des marques, ni la Convention de Paris ni l’article 4.8 CBPI n’empêchent l’application stricte de ce principe.

L’objectif sous-jacent à celui-ci est de promouvoir le dépôt des signes considérés comme des marques et de favoriser la sécurité juridique : les tiers doivent en effet être informés de l’existence des droits exclusifs dans le chef du titulaire d’une marque.

Celui qui invoque l’article 10bis de la Convention de Paris pour obtenir la protection d’un signé pouvant être considéré comme une marque, doit donc avant tout veiller au respect des dispositions de la CBPI et donc se prévaloir d’un enregistrement de la marque qu’il invoque.

9. Sur base de ces considérations, la Cour de Justice Benelux confirme donc la thèse des partisans de l’effet réflexe en droit des marques, et déclare que «l’article 2.19, alinéa 1er CBPI (...) lu(s) en combinaison avec l’article 4.8 CBPI, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marque, éteinte en vertu du droit uniforme Benelux, ne peut pas revendiquer une protection contre le seul usage de ce signe par une entreprise qui crée une confusion en utilisant ce même signe».

Il n’est donc pas possible de se prévaloir d’une protection alternative de la marque sur base de l’article 10bis de la Convention de Paris.

Dès lors qu’un signe considéré comme marque ne bénéficie pas ou plus de protection en vertu de la CBPI, son titulaire ne pourra s’opposer au seul usage de ce signe par un concurrent par le biais du droit de la concurrence déloyale, et ce même en cas de confusion créée par ce concurrent.

Toutefois, la Cour précise d’emblée que si cet usage fait partie d’un ensemble d’agissements ou d’autres circonstances de la part de ce même concurrent et qui sont susceptibles de créer une confusion, le titulaire d’une marque qui ne serait pas enregistrée ou sur laquelle le droit serait éteint sera dans ce cas toujours fondé à invoquer les règles de concurrence déloyale pour s’y opposer.

Tout sera alors question d’interprétation et d’analyse concrète des faits, afin de juger si un cas d’espèce entre oui ou non dans les limites indiquées par la décision de la Cour de Justice Benelux.

dotted_texture