Les motifs d’exclusion d’un associé dans une société coopérative à responsabilité limité peuvent être très nombreux ; sont-ils pour autant illimités ? La doctrine et la jurisprudence ne sont pas unanimes à ce sujet.
La constitution d’une société coopérative sera guidée par la nécessité d’une grande variabilité tant du capital que du nombre d’associés. Les associés peuvent en effet, très rapidement et sans devoir passer devant le notaire, décider de créer de nouvelles parts et de l’accorder à un tiers en augmentant la partie variable du capital.
Si l’entrée d’un associé dans le capital d’une société coopérative se fait en deux temps trois mouvements, sa sortie – lorsqu’il s’agit de l’exclure – n’est pas toujours simple.
Une procédure stricte mais rapide, prévue par le Code des sociétés, doit être respectée.
Les motifs de l’exclusion peuvent être nombreux ; sont-ils pour autant illimités ?
Avant la réforme du 20 juillet 1991, l’organe compétent (assemblée générale ou conseil d’administration) en la matière avait le pouvoir d’exclure un associé pour toute cause qu’il jugeait appropriée et « sans motivation ».
La doctrine n’était toutefois pas unanime quant à l’étendue du contrôle du juge sur les exclusions « sans motivation » :
(i) un premier courant considérait que la décision d’exclusion non motivée était souveraine et échappait au contrôle du juge ;
(ii) le second faisait valoir que la décision d’exclusion n’était pas souveraine mais discrétionnaire, en ce sens que la décision devait être prise dans l’intérêt de société et soumise à un contrôle marginal du juge.
Aujourd’hui, l’article 370 §1er du Code des sociétés prévoit qu’un associé peut être exclu pour de justes motifs ou pour toute autre cause indiquée dans les statuts. Enfin, une telle décision doit être motivée.
Le Code des sociétés ne précise pas ce qu’il il y a lieu d’entendre par «justes motifs». La doctrine a dès lors défini cette notion comme : «Tout fait de nature à compromettre de manière irréversible toute collaboration entre la société et l’associé». Les cours et tribunaux ont, quant à eux, décidé que l’inexécution des obligations d’un associé, l’abus du droit de vote ou la mésintelligence grave entre associés pouvaient, par exemple, être considérés comme des justes motifs.
Outre ces justes motifs, les associés peuvent également convenir d’encadrer le pouvoir de l’organe compétent par une énumération statutaire limitative des causes pour lesquelles il peut exclure un associé.
Mais qu’en est-il aujourd’hui de la compétence discrétionnaire ? L’organe compétent a-t-il encore la possibilité d’exclure un associé pour n’importe quelle raison du moment qu’elle soit motivée ?
Comme souvent, la doctrine est divisée sur cette question. La tendance majoritaire considère, eu égard à la formulation du texte, qu’en dehors des justes motifs et des causes limitativement énumérées dans les statuts, aucune autre cause ne peut justifier l’exclusion.
Certains auteurs sont toutefois d’avis qu’il est toujours possible d’attribuer à l’organe compétent un pouvoir discrétionnaire pour autant qu’il motive sa décision. Ils s’appuient notamment sur la lecture des travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 1991 :
(i) le but poursuivi par le législateur était d’assurer, par l’obligation de motivation, que la décision d’exclusion puisse être soumise à la censure du juge. Or, ce but est atteint en soumettant toute exclusion au contrôle de conformité à l’intérêt social, sans nécessairement interdire les exclusions discrétionnaires mais motivées.
(ii) une référence expresse au pouvoir discrétionnaire est reprise dans les travaux préparatoires qui mentionnent que : «…il faut tenir compte de la possibilité d’exclure un associé par une décision discrétionnaire d’un organe social, cette exclusion doit trouver sa contrepartie dans un remboursement adéquat».
La jurisprudence n’est pas unanime mais a déjà suivi le courant minoritaire en acceptant une exclusion discrétionnaire mais prise dans l’intérêt social.
Il convient donc d’être prudent concernant les motifs d’exclusion, et, dans tous les cas, de dûment motiver cette décision.