01/12/10

Pour une saine émulation entre le Code des Sociétés et le Code de Gouvernance d’entreprise!

Les sociétés évoluent dans un environnement en constant mutation. Elles sont tenues de s’adapter rapidement à de nombreux défis, que ce soit la mondialisation, la crise économique et financière ou encore les progrès technologiques.

Elles doivent donc disposer d’instruments encadrant leurs activités et permettant de répondre à leurs besoins.

Dans ce paysage, on constate des interactions de plus en plus importantes entre la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), la gouvernance d’entreprise et le droit des sociétés. Concept fort large, la RSE vise la contribution volontaire des entreprises aux enjeux du développement durable par la prise en compte des preoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et leurs interactions avec les parties prenantes, comme leurs travailleurs, leurs fournisseurs ou encore leurs clients.

Quant à la gouvernance d’entreprise, elle recouvre un ensemble de règles et de comportements qui déterminent comment les sociétés sont gérées et contrôlées. L’objectif principal des Codes de gouvernance d’entreprise est de contribuer à la création de valeur à long terme. En développant de bonnes pratiques de gouvernance, les sociétés améliorent leur gestion et leur maîtrise des risques.

Parmi ces bonnes pratiques, on peut citer : le choix en toute objectivité et transparence d’administrateurs compétents aux experiences complémentaires, d’un président de conseil visionnaire, de managers performants, une répartition claire des rôles respectifs des principaux organes de la société, l’établissement et le respect de procédures de contrôles efficaces, etc.

Dans notre pays, deux Codes constituent le ciment de la gouvernance d’entreprise : le Code belge de gouvernance d’entreprise 2009 (« Code 2009 ») pour les sociétés cotées et le Code Buysse II pour les sociétés non cotées.

Ces Codes ne peuvent être considérés comme des substituts au droit des sociétés. Ils ne remplacent pas la loi. Ils la complètent de manière flexible.

Deux différences essentielles méritent d’être soulignées entre le Code Buysse II et le Code 2009..

La première concerne l’approche qu’ils adoptent dans la mise en oeuvre des recommandations et la seconde, l’obligation légale de désigner un Code de gouvernance d’entreprise.

Concernant l’approche, le Code 2009, comme tous les Codes étrangers visant les sociétés cotées, se fonde sur la démarche « comply or explain » (« se conformer ou expliquer »). Il est demandé aux sociétés cotées de se conformer aux dispositions du Code ou d’expliquer pourquoi elles y dérogent compte tenu de leur situation spécifique. Il s’agit de bon sens : toutes les entreprises sont différentes. Chacune a des caractéristiques spécifiques, comme la nature de ses produits et services ou encore la taille ou le stade de développement. En d’autres termes, il n’y a pas, en matière de gouvernance, un modèle qui puisse convenir à tous.

Le Code Buysse II, quant à lui, formule des lignes directrices pregnant en compte les spécificités des sociétés non cotées . Il les encourage à suivre ces recommandations dans le but d’améliorer leur gestion, mais il ne les oblige pas à expliquer les raisons pour lesquelles elles ne les appliquent pas.

La seconde différence a trait à l’obligation légale, récemment introduite, pour les sociétés cotées belges d’appliquer le Code 2009. Cette exigence résulte de la transposition en droit belge d’une directive européenne qui vise uniquement les sociétés cotées.

Par leur flexibilité, les principes de gouvernance d’entreprise offrent la possibilité aux sociétés d’être mieux gérées et de contribuer à leur positionnement dans l’environnement concurrentiel international.

Depuis la crise, cette approche a été critiquée par certains car elle laisserait trop de liberté aux entreprises, liberté qui constituerait une des causes de la crise financière.Il s’agit, à mon avis, d’une critique discutable, car la question n’est pas de choisir entre la loi et la gouvernance, mais bien de trouver un bon équilibre entre les deux.

En effet, les crises économiques sont inhérentes au capitalisme. A titre d’exemples, on peut citer la crise des bulbes de tulipes aux Pays-Bas au XVIIème siècle ou plus près de notre époque, la grande dépression de 1929, les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, la crise économique asiatique de 1997, la bulle internet de 2001 et la crise 2007-2010. Face à cette «fatalité du capitalisme», on constate que les crises ont engendré beaucoup de lois, qui malheureusement ne paraissent pas avoir empêché beaucoup de crises.

Ainsi, la crise a touché un secteur, le secteur financier, qui était déjà très réglementé par la loi et qui va encore l’être plus à l’avenir. Des mesures importantes ont été adoptées au niveau européen pour mieux encadrer les établissements financiers, ainsi que les hedge funds et les agences de notation. . En Belgique, la reorganization de la supervision bancaire selon le régime dit «Twin Peaks» devrait être réalisée pour mars 2011.

Pour les sociétés cotées, une collaboration intéressante a vu le jour entre le Code des sociétés et le Code de gouvernance d’entreprise. Par la loi du 6 avril 2010, le Code des sociétés impose désormais des règles rigoureuses à propos des rémunérations et des indemnities de départ des dirigeants de sociétés cotées.

Plutôt que légiférer plus, il faudrait légiférer mieux et mieux profiter de l’interaction entre la loi et la gouvernance d’entreprise. Le développement économique est fondé sur la performance de nos entreprises, sur leur capacité à créer de la richesse qui peut ensuite être redistribuée ou réinvestie. Les entreprises vivent dans un environnement complexe et incertain. Elles doivent continuellement s’adapter. Dans ce contexte, la prise de risques est inhérente à l’acte d’entreprendre et peu compatible avec un encadrement trop strict du droit des sociétés au niveau national. Laisser au seul droit des sociétés national le soin de préciser le fonctionnement et la gestion des sociétés conduirait à enfermer nos sociétés dans un cadre trop rigide, trop peu international et trop peu flexible.

Il faut au contraire continuer à privilégier une saine émulation du droit des sociétés et de la gouvernance d’entreprise. Le premier doit constituer l’armature applicable à toutes les sociétés de meme nature qui sont soumises au droit belge, tandis que la seconde doit permettre, d’une manière flexible, à chaque société d’aménager sa structure, sa gestion et sa politique d’entreprise en fonction de son objet, de ses caractéristiques, de ses besoins, ainsi que de ceux de ses parties prenantes, le tout dans un environnement competitive de plus en plus international.

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