01/12/10

Les conventions d’actionnaires : instruments de relance économique ?

Dans la mesure où les sociétés constituent incontestablement des vecteurs primordiaux de la relance, il convient que celles-ci puissant se développer dans un cadre adapté aux exigences actuelles de la vie des affaires. La loi et les statuts mettent certes en place un cadre mais ils ne peuvent tout régir. Mettant « l’imagination au pouvoir », les conventions d’actionnaires peuvent régler bon nombre de questions liées directement ou indirectement à la vie d’une société : elles permettent ainsi de prédéterminer et de modifier ensuite en souplesse, des règles qui ne sont pas, par choix ou par obligation légale, envisagées dans les statuts ou qui ne doivent concerner qu’une partie seulement des associés.

Evoquons ici, à titre d’exemple, trois types de conventions d’actionnaires, très fréquentes dans la pratique : les conventions de portage, les clauses de « blocage » et les pactes de votation.

Le portage d’actions est une pratique consistant à faire détenir des actions par un tiers et à garantir à terme la sortie de ce tiers, à un prix généralement déterminé à l’avance et indépendant de l’évolution des affaires de la société. Cette pratique utile, lorsque par exemple le développement de l’entreprise requiert des capitaux nouveaux que les actionnaires existants ne sont pas en mesure d’apporter, se heurte cependant à la prohibition légale des pactes léonins, c’est-à-dire les accords qui affranchissent un associé de toute contribution aux pertes. Or, tel est précisément le cas dans notre exemple puisque, quelle que soit la destinée de la société, l’investisseur tiers est assuré de revendre à terme ses actions au prix convenu. La Cour de cassation a confirmé récemment (arrêt du 29 mai 2008) que de tels « pactes léonins » sont valables pour autant qu’ils respectent l’intérêt social. Tel était le cas en l’espèce, dans lequel le Fonds de participation avait souscrit à une augmentation de capital d’une société anonyme et les deux associés préexistants s’étaient engagés à lui racheter lesdites actions au prix de souscription augmenté d’un intérêt. Or, lorsque la société a ensuite été déclarée en faillite, ces deux actionnaires avaient soulevé la nullité de la convention … mais en vain – fort heureusement.

Une telle « convention de portage », permet de servir les intérêts de la société en renforçant la structure de son capital à des conditions favorables, tout en offrant à l’investisseur temporaire, dont le but est essentiellement financier, un mécanisme de garantie efficace. Une telle garantie reste en outre secrète puisqu’en principe seules les parties à la convention en connaissent l’existence et le contenu.

Lorsqu’il s’agit de préserver une certaine stabilité de l’actionnariat, des clauses contractuelles peuvent interdire aux signataires de céder tout ou partie de leur actions pendant une certaine durée (« blocage »), où d’en acquérir (« stand still »). On peut aussi modaliser autrement cette stabilité en prévoyant un droit de suite (ou « clause de remorquage » ou encore «tag along ») qui permettra au bénéficiaire de la clause, généralement un actionnaire minoritaire, de vendre ses titres au même prix et aux memes conditions, au cessionnaire des titres d’un autre actionnaire cédant.

La stabilité de la gestion – chère aux organismes financiers – peut quant à elle être assurée par les « pactes de votation » en vertu desquels des actionnaires s’engagent à faire usage de leur droit de vote au sein de l’assemblée générale afin de nommer tel ou tel administrateur ou de le maintenir en poste. L’article 551 du Code des sociétés ne pose que deux limites à la validité de tels pactes de votation : leur limitation dans le temps et leur conformité à l’intérêt social. Or, la jurisprudence ayant développé une conception large de l’intérêt social (qui prend en compte les intérêts des actionnaires mais aussi ceux des travailleurs, clients, fournisseurs, banquiers, voire de la région), l’objet et les modalités de tels pactes forment un espace de liberté presque illimité, qui autorise toutes les innovations les plus conformes à l’intérêt au sens large de la société concernée, en prenant en compte ses spécificités, notamment sectorielles.

On le voit, des conventions d’actionnaires soigneusement rédigées permettent d’utiliser au mieux, dans le respect de tous les partenaires, l’outil de relance que constitue la société. Il serait dommage de s’en priver ou, pire encore, de l’utiliser de manière imprécise ou dangereuse par défaut de conseil adéquat.

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