La suspension de l’attribution d’un marché n’est plus soumise à la condition du préjudice grave et difficilement réparable. Le Conseil d’État effectue dorénavant une balance entre tous les intérêts susceptibles d’être lésés.
Pour obtenir la suspension de l’attribution d’un marché, le soumissionnaire évincé devait précédemment démontrer devant le Conseil d’État l’existence dans son chef d’un risque d’un préjudice grave et difficilement réparable. Les chambres francophones considéraient que la simple perte du marché n’était pas constitutive d’un tel préjudice, sauf à démontrer qu’il s’agissait d’un marché de références.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 2009 introduisant un nouveau livre relatif à la motivation, à l'information et aux voies de recours dans la loi du 24 décembre 1993, la condition du préjudice grave est révolue. L’article 65/15 nouveau de la loi du 24 décembre 1993 indique expressément qu’une telle exigence ne peut plus être appliquée.
Le Conseil d’État en a pris acte dans son arrêt n° 206.921 du 19 août 2010. Il refuse désormais que les requérants prennent argument d’un risque de préjudice grave, indiquant qu’il y a lieu de ne pas faire rentrer « par la fenêtre » cette ancienne condition.
La balance des intérêts, également visée par l’article 65/15, est en revanche pleinement effective. Dans l’arrêt précité, le Conseil d’État a rejeté la requête en suspension sur cette base : le requérant n’avait pas abordé la balance des intérêts. Le Conseil n’a pas pu déduire son intérêt supérieur des pièces du dossier. Faut-il en déduire que le Conseil d’État exige la preuve par le requérant d’un intérêt supérieur alors que selon la loi il « peut décider de ne pas accorder la suspension de l'exécution ou les mesures provisoires lorsque leurs conséquences négatives pourraient l'emporter sur leurs avantages » ?
Il convient d’être particulièrement attentif à l’application rationae temporis de la nouvelle loi. Le Conseil d’État l’a rappelé dans son arrêt n° 206.816 du 23 juillet 2010 : si la publication de l’avis de marché est antérieure au 25 février 2010, la nouvelle loi n’est pas d’application. Dans cette hypothèse, la requête doit comporter un exposé des faits de nature à établir le risque de préjudice grave. À défaut, elle est irrecevable.