Un résident fiscal belge possède une résidence secondaire en France. Quel est le coût fiscal dans les deux pays concernés ?
EN FRANCE
Le résident fiscal belge peut être assujetti à l'impôt français à raison de ses revenus de source française ou des revenus tirés d'une habitation située en France. La convention préventive de double imposition conclue entre la France et la Belgique (article 3) le confirme : les biens immeubles sont imposés dans le lieu de situation de l'immeuble.
Cependant, l'existence de cette convention fiscale préventive de double imposition conclue entre la France et la Belgique permet de soustraire le résident fiscal belge des dispositions de l'article 164 C du Code Général des Impôts instaurant une taxation forfaitaire minimale au titre de l'impôt sur le revenu pour les possibles revenus tirés de cette résidence secondaire. Il n'y a donc pas d'assujettissement à l'impôt sur le revenu au titre de l'immeuble qui n'est pas donné en location. Ainsi, alors même que la convention fiscale prévoit l'imposition en France, le résident fiscal belge ne doit s'acquitter d'aucun impôt sur le revenu pour la disposition de cet immeuble. Cela va donc avoir
quelques conséquences fiscales au niveau belge précisées par la suite.
Il n'en reste pas moins que le résident fiscal belge est tout de même soumis en France à quelques taxes internes importantes sur cette résidence secondaire qui viennent augmenter son coût fiscal.
Ainsi, l'article 1388 du Code Général des Impôts précise qu'une taxe foncière sur les propriétés bâties est due d'après la valeur locative cadastrale de l'habitation et sous déduction de 50% de son montant au titre de différents frais. Le taux de cette taxe foncière sur les propriétés bâties est voté par les collectivités locales, comme pour la taxe d'habitation qui est la seconde taxe à prendre en considération.
Cette taxe d'habitation est calculée sur la valeur locative nette de cette résidence secondaire (article 1409 du Code Général des Impôts). Depuis 2015, une majoration de 20% de la taxe d'habitation est prévue dans les « zones tendues » (liste de communes précisée) au titre des logements meublés non affectés à l'habitation principale.
Enfin, l'impôt sur la fortune est aussi dû, au visa de l'article 885 A 2° du Code Général des Impôts, et à raison des biens situés en France, si la résidence secondaire a une valeur vénale supérieure à 1,3 millions d'euros au jour du fait générateur, soit au 1er janvier de chaque année. En tant que résidence secondaire, cette valeur vénale ne peut bénéficier de l'abattement de 30% prévu par les rejets de l'ISF lorsque l'immeuble est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. La valeur vénale de l'immeuble est donc prise en compte pour l'évaluation du patrimoine du résident fiscal à raison de ses biens situés en France.
Notons aussi qu'en cas de revente de la résidence, une imposition sur la plus-value immobilière est prévue, avec récente prise en compte des prélèvements sociaux. L'imposition en France (et non en
Belgique) de cette plus-value est également conforme à la Convention préventive de double imposition conclue entre les deux pays.
EN BELGIQUE
En vertu de la convention préventive de double imposition entre les deux pays, c'est donc l'Etat de situation de l'immeuble, à savoir la France, qui bénéficie d'une exclusivité d'imposition, et ces mêmes revenus immobiliers sont exemptés de taxation à l'impôt sur le revenu dans l'autre pays contractant, la Belgique en l'occurrence.
Ceci ne veut pas dire que la détention de cette résidence secondaire en France sera sans conséquence en Belgique. En effet, l'article 19 A, 4 de la Convention autorise la Belgique à prendre en considération le montant des revenus étrangers (ici, de source française) pour déterminer le montant de l'impôt dû en Belgique. Cette possibilité ouverte par la Convention a été mise en œuvre en droit interne (art. 155 du CIR 92) de sorte que le résident fiscal belge est tenu de mentionner ce revenu immobilier étranger dans sa déclaration. Ce mécanisme est appelé l'exemption sous réserve de progressivité. Il a donc pour effet d'augmenter la pression fiscale sur les revenus imposables en Belgique.
Combien doit-il déclarer ? Le CIR 92 distingue à cet égard plusieurs hypothèses, nous ne retiendrons que celle où l'immeuble n'est pas donné en location. En ce cas il y a lieu de déclarer la valeur locative dudit bien, c'est-à-dire le loyer qui aurait pu être engendré par l'immeuble s'il avait été mis en location compte tenu de ses caractéristiques propres, de sa localisation, etc. ... Un abattement de 40 % pour frais forfaitaires est appliqué.
Cette règle doit cependant, depuis un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne, être écartée. Elle introduit une différence de traitement non justifiée entre la situation du résident fiscal belge ayant une seconde résidence en Belgique et une autre à l'étranger, plus particulièrement ailleurs dans l'Union Européenne (et encore plus précisément dans le cas qui nous occupe : en France). En effet, dans le premier cas, le propriétaire sera imposable sur le revenu cadastral indexé majoré de 40 %, ce qui devrait donner, dans la quasi-totalité des cas, une base imposable bien inférieure à la valeur locative. En effet le revenu cadastral belge est la valeur locative annuelle existante au premier janvier 1975, certes indexée et majorée de 40 % mais ces deux corrections à la hausse laissent le résultat final loin de la valeur locative actuelle. Les juges de Luxembourg ont donc condamné cette différence de traitement non compatible avec le droit de l'Union Européenne (arrêt du 11 septembre 2014 (C-489/13).
En l'absence (pour le moment) de modification de la législation belge, le propriétaire doit donc être autorisé à mentionner dans sa déclaration, en lieu et place de la valeur locative, un montant comparable à celui du revenu cadastral belge, indexé et majoré de 40 %. Il semble que, dans les faits, la valeur locative cadastrale française puisse être prise en considération.
La question se pose de savoir si les propriétaires qui ont déclaré la valeur locative pour le passé peuvent encore faire revoir (à la baisse) leur situation fiscale vu l'arrêt rendu par la Cour de Justice, et demander le recalcul de leur imposition en prenant en considération la base imposable plus favorable. Le fisc belge a admis, dans au moins un cas, qu'un arrêt de la Cour de Justice qui déclare non conforme au Traité européen une disposition de droit interne belge constituait un « fait nouveau ». Ce fait nouveau ouvre le droit à un recours administratif, le dégrèvement d'office, permettant d'obtenir un dégrèvement des impôts établis dans les 5 années qui précèdent la date de l'introduction du recours. Pour les contribuables qui ont réagi rapidement suite à l'arrêt de la Cour, c'est-à-dire en 2014, cela permettait de viser les impôts établis depuis 2010. En 2015, il sera encore temps de demander le dégrèvement des impôts établis depuis 2011. C'est la date d'enrôlement qui figure sur l'avertissement-extrait de rôle qui détermine quand l'impôt est établi.
Une dernière précision s'impose en ce qui concerne ces revenus de source étrangère à déclarer en Belgique pour l'exemption sous réserve de progressivité. Une fois la base imposable déterminée, les contribuables peuvent encore soustraire de cette base le montant des impôts perçus à l'étranger, c'est-à-dire en l'espèce la taxe d'habitation et la taxe foncière. Ceci en vertu d'un principe général de taxation sur la base du revenu net.