Qui effectue une recherche sur une personne dans un moteur de recherche ne peut être que continuellement étonné par l'incroyable quantité d'informations indexées, classées et rendues aisément accessibles par ces outils. La sophistication des algorithmes de recherche couplée à l'explosion des données accessibles en ligne facilitent grandement la vie quotidienne - et participent à la vie économique – mais créent également des situations inédites d'atteinte à la vie privée. Un arrêt de la Cour de Justice met toutefois des limites aux activités de moteur de recherche, Google en tête.
A l'origine de cet arrêt, fortement commenté ces dernières semaines, un citoyen espagnol avait demandé la désindexation de deux anciens articles de presse l'associant à une affaire de dette sociale. La Cour de Justice a conclu – logiquement – que l'activité du moteur de recherche peut consister en un traitement de données à caractère personnel distinct du traitement opéré par l'éditeur de site web et que cette activité est régie par le droit national inspiré de la Directive Vie Privée, quand bien même la société mère de l'exploitant se trouverait aux USA. La Cour de poursuivre son raisonnement en constatant que l'organisation et l'agrégation des données par les moteurs de recherche peut entrainer des atteintes inédites à la vie privée, de façon significative et additionnelle par rapport aux activités d'éditeur de site web, de sorte que l'exploitant du moteur de recherche est tenu des contraintes inhérentes à la qualité de responsable de traitement.
Forte de ces prémisses, la Cour va plus loin et estime que, dans ces hypothèses, un juste équilibre doit être trouvé entre le droit à la vie privée de la personne concernée par le traitement de données et le droit à l'information légitime des autres internautes. Selon la Cour, les droits de la personne physique concernée prévaudront en règle générale, mais l'équilibre à trouver peut dépendre de la nature de l'information, de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée et encore de l'intérêt du public à disposer de cette information, ce dernier critère variant, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique. L'exploitant du moteur de recherche peut donc se voir contraint par l'Autorité Nationale de Protection de la Vie Privée ou par une autorité judiciaire de désindexer certains contenus, quand bien même l'information a été publiée légitimement sur le site Web d'origine.
Enfin, la Cour s'exprime sur le concept de "droit à l'oubli", puisqu'elle estime qu'un traitement de données initialement licite peut devenir, avec le temps, incompatible avec les exigences de la directive Vie Privée, lorsque les données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées.
De nouveau, un équilibre doit être recherché entre l'intérêt du public à être informé et l'intérêt de la personne concernée à ne plus voir ses données traitées. Contrairement à ce qui a été, trop souvent, relayé dans la presse, la Cour de Justice n'a donc pas créé un droit absolu pour chaque personne à s'opposer à voir son nom apparaitre dans les résultats de recherche de Google. La Cour a simplement tiré les conclusions logiques d'une application des règles en matière de vie privée à l'activité de moteurs de recherche et en a déduit la possibilité de s'opposer au traitement dans certaines circonstances, chaque demande devant être examinée au cas par cas, suivant les critères définis par la Cour.
Notons toutefois que seuls les liens disparaitront. Le contenu vers lequel ces liens pointent sera maintenu sur le site web d'origine. En outre, seuls les résultats de recherche des versions européennes de Google seront affectés, les liens étant maintenus sur les autres versions (américaines, par exemple) des résultats de recherche.