Le 7 mars 2013, la Cour de justice de l'Union européenne (« CJUE ») a rendu un arrêt dans l'affaire Wheels Common Investment Fund Trustees e.a. (C-424/11). Cette affaire concerne des services de gestion fournis à des fonds de pension anglais ayant pour objectif de mettre en œuvre un régime de retraite à prestations prédéfinies (régime defined benefit). La CJUE a décidé que ces fonds de pension ne relèvent pas de la notion de « fonds communs de placement » au sens de la législation TVA. En conséquence, la gestion de ce type de fonds de pension n'est pas exemptée de TVA.
L'affaire Wheels
La gestion de fonds communs de placement est exemptée de TVA. L'Administration fiscale anglaise est d'avis qu'un fonds de pension ne peut être considéré comme un fonds communs de placement. En conséquence, selon l'administration anglaise, l'outsourcing par les fonds de la gestion des actifs doit être soumis à TVA. Par décision du 8 juillet 2011, parvenue à la CJUE le 11 août 2011, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE plusieurs questions préjudicielles. La juridiction de renvoi demande en substance si les services de gestion fournis aux fonds de pension par Wheels doivent être exemptés de TVA.
La CJUE vient de décider que les services de gestion prestés par Wheels en faveur des fonds de pension concernés sont soumis à la TVA. Pour relever de la notion de fonds communs de placement, il est en effet nécessaire que les investisseurs du fonds supportent un (certain) risque lié à l'investissement. Tel n'était pas le cas au sein des fonds de pension gérés par Wheels. Il ressort en effet des faits de la cause que les fonds en cause mettaient en œuvre un régime de retraite à prestations prédéfinies, puisque les prestations de retraite perçues par les employés étaient fonction de leur salaire, ainsi que de leur ancienneté. La CJUE a jugé qu'un fonds d'investissement dans lequel les actifs d'un tel régime de pension ont été placés ne peut pas être considéré comme un fonds communs de placement. Un tel fonds n'est, en effet, pas ouvert au public, mais constitue un avantage lié à la relation de travail entre l'employeur et ses employés. Un tel fonds n'est dès lors pas comparable aux fonds communs de placement ouverts au public et dont les investisseurs supportent un certain risque par rapport à leur investissement. La gestion d'un tel fonds est, elle, bien exemptée de TVA.
Conséquences de l'affaire Wheels pour la pratique belge
L'article 44, § 3, 11° du code belge de la TVA prévoit qu'est exemptée de TVA la gestion des organismes de placement collectif visés par la loi du 20 juillet 2004 relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles d'investissement et des organismes de financement de pensions (« OFP ») visés à l'article 8 de la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelles.
Cet article est la transposition en droit belge de l'article 135, alinéa 1er, g de la Directive européenne 2006/112/CE, qui prévoit que les Etats Membres exonèrent la gestion de fonds communs de placement tels que définis par les États membres.
Cet article de la Directive européenne est souvent invoqué comme base juridique afin de bénéficier d'une exemption pour la gestion des fonds de pension.
La Cour ne semble pas pouvoir suivre ce raisonnement en ce qui concerne la gestion des actifs d'un régime de pension, étant donné, entre autres, que les affiliés à un régime de pension ne supportent pas le risque lié à la gestion du fonds.
Il est légitime de se demander si l'exemption applicable pour nos OFP belges est remise en question par cet arrêt. A première vue, ce risque est réel. Cela signifierait que les OFP risquent de devoir supporter des frais de gestion administratifs et financiers plus élevés. La TVA qui serait due sur de tels services ne pourrait en effet pas être récupérée, les OFP ne bénéficiant d'aucun droit à déduction de la TVA.