04/03/13

Détenir un compte courant débiteur envers sa société peut constituer une infraction pénale !

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a jugé que les éléments constitutifs de l’infraction d’abus de biens sociaux sont présents lorsqu’un dirigeant prélève des fonds de sa société tout en les inscrivant en compte courant.

L’article 492bis du Code pénal qui sanctionne l’abus de biens sociaux est rédigé en ces termes : « Sont punis (…) les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu’ils savaient significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés ».

Cette infraction suppose dès lors la réunion de plusieurs éléments constitutifs :
- Il faut un usage de biens ou de crédit de la personne morale par le dirigeant
- L’usage doit avoir été réalisé par les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale
- L’usage doit être significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de la personne morale ou de ses créanciers.
- Le dirigeant doit agir avec une intention frauduleuse, il doit avoir réalisé l’usage à des fins personnelles et en sachant que cet usage était significativement préjudiciable à la société.

La notion d’usage est entendue de manière large et vise donc tant des actes d’appropriation que de dissipation d’un bien ou de l’argent de la société de même que les actes consistant dans l’utilisation temporaire d’une ressource humaine ou matérielle de l’entreprise.

Le crédit de la personne s’entend comme la réputation de la société en raison de son capital, de la nature de ses affaires et de la bonne marche de l’entreprise.

La loi ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par ‘significativement préjudiciable’ mais on considère en principe que le juge doit comparer l’importance des sommes prélevées et la situation économique de la société au moment des faits.

Ainsi, la jurisprudence a déjà sanctionné les comportements suivants : l’octroi par une société d’un prêt sans intérêt à son dirigeant, le fait de faire cautionner par la société une dette propre du dirigeant ou de sa maitresse, le paiement par la société d’amendes propres au dirigeant ou des frais personnels d’avocat de celui-ci ou encore le paiement de frais de voyage propres au dirigeant ou à sa famille…

Dans le cas soumis au tribunal correctionnel de Bruxelles ayant donné lieu au jugement du 25 janvier 2012, les prévenus constituaient des sociétés pour les revendre rapidement après les avoir dépouillées de leur capital social. Les tiers acquéreurs pouvaient ainsi s’offrir une coquille vide sans devoir libérer le montant du capital social exigé par le code des sociétés.

Les prévenus soutenaient que les prélèvements ainsi effectués – qu’ils ne contestaient pas - ne pouvaient leur être reprochés dès lors qu’ils étaient inscrits en compte courant. Le tribunal les a toutefois condamné du chef d’abus de biens sociaux en estimant que « L’inscription en compte courant des prélèvements ainsi effectués, bien que comptablement, sans doute correcte, ne rend en effet pas disponible le montant correspondant dont la société a besoin pour fonctionner et n’enlève rien au caractère illicite des faits, et ce quand bien même la situation aurait-elle été régularisée par la suite. L’abus de biens sociaux est en effet un délit instantané. »

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