La Cour constitutionnelle fut saisie par différents contribuables afin de statuer sur la compatibilité avec le principe de non-discrimination du nouvel article 216bis du Code d'instruction criminelle (« CiCr. »), tel que modifié par la loi du 11 juillet 2011, instaurant la nouvelle procédure de transaction pénale.
Dans son arrêt 6/2013 du 14 février 2013, la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur ce mécanisme dans sa composante la plus débattue en doctrine, à savoir celle liée au « véto » de l'administration fiscale et sociale lorsqu'une transaction est proposée par le Ministère public.
A ce niveau, l'article 216bis, § 6, alinéa 2 CiCr. précise que : « pour les infractions fiscales ou sociales qui ont permis d'éluder des impôts ou des cotisations sociales, la transaction n'est possible qu'après le paiement des impôts ou des cotisations sociales éludés dont l'auteur est redevable, en ce compris les intérêts, et moyennant l'accord de l'administration fiscale ou sociale ».
Telle qu'actuellement interprétée, et malgré le désaccord du Gouvernement, cette disposition confère à l'administration fiscale et sociale, « victime » de l'infraction, un droit de véto pouvant aboutir au refus de la transaction. Toute autre personne lésée ne dispose pas d'un droit similaire.
Cette discrimination se justifie-t-elle ? La doctrine estima très rapidement qu'il n'était pas normal que le Trésor bénéficie d'un tel pouvoir et ce, principalement, pour deux raisons : (i) l'indépendance du pouvoir judiciaire (par ce droit de véto, le pouvoir exécutif peut - par la voie de son administration - bloquer la décision du pouvoir judiciaire) et (ii) l'existence d'un même intérêt à voir certaines transactions bloquées par une « simple » autre victime qui a subi une atteinte grave à son intégrité morale, par exemple.
Ce « véto » devait donc être supprimé de la législation.
Néanmoins, dans l'arrêt susmentionné, la Cour constitutionnelle a estimé, sur base des arguments présentés et des bases légales soulevées, qu'une telle discrimination était tout à fait justifiée.
Tout d'abord, la Cour estime que le droit de véto prévu à l'article 216bis, § 6, alinéa 2 CiCr. se contente de limiter la possibilité pour le ministère public de proposer une transaction en imposant au préalable (i) le paiement des impôts ou des cotisations sociales éludés et (ii) l'accord de l'administration fiscale ou sociale (considérant B.29.1). Le ministère public n'est donc pas privé de son droit d'exercer ou non les poursuites.
Ensuite et surtout, la Cour semble considérer que c'est en raison de l'atteinte à la collectivité et des possibilités de réparation réduites existant pour l'administration que cette discrimination est raisonnable (considérant B.29.2).
Premièrement, à la différence de toute autre victime dont une infraction lui cause un dommage individuel, c'est l'ensemble de la collectivité qui souffrirait de la commission d'infractions fiscales et sociales.
Deuxièmement, la Cour indique que si la victime d'une infraction de droit commun « peut obtenir la réparation de son dommage en se constituant partie civile, les administrations fiscales ou sociales ne peuvent former une action civile que du chef d'un préjudice pour lequel la législation ne prévoit aucune possibilité propre de réparation. Ce préjudice n'est pas le montant de l'impôt ou des cotisations éludés, mais consiste plus précisément en la nécessité de déposer plainte ou de faire une dénonciation auprès du procureur du Roi, de suivre le déroulement ultérieur de la cause et d'attendre la décision définitive sur l'action publique afin de pouvoir apporter la preuve de la fraude ».
Nous nous étonnons d'une telle décision, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, malgré l'importance de cette question relative au droit de véto et l'attente de réponse qui en découlait, la Cour limite son argumentaire à quelques paragraphes. Il nous semble que cette question aurait mérité une analyse plus approfondie.
Ensuite et surtout, les raisons attestant du caractère prétendument justifié de la discrimination nous paraissent assez « légères ». L'objectif de protection de la collectivité est certes louable, mais l'atteinte subie par celle-ci est-elle vraiment si importante que pour autoriser une telle mainmise de l'administration sur la procédure de transaction ? Quant à l'action réduite de l'administration, non seulement l'argumentaire de la Cour semble assez confus à ce niveau, mais celui-ci ne nous paraît pas en mesure de démontrer en quoi l'administration se trouve à ce point démunie que pour justifier d'un tel pouvoir.