17/03/25

Qui sont les gagnants et les perdants de la réforme fiscale ?

La voilà, la réforme fiscale tant attendue ! 

L’accord gouvernemental fédéral inclut une série de mesures fiscales impactant les travailleurs, les entreprises, les investisseurs,.… Voici une liste non exhaustive (et subjective !) des gagnants et des perdants de la réforme.

1. Qui sont les gagnants ?

Les travailleurs devraient ressortir gagnants de la réforme, en particulier les bas et moyens salaires. Ils pourront en effet toucher une rémunération nette plus élevée à la faveur de l'augmentation de la quotité exemptée d'impôts, la diminution de la cotisation spéciale de sécurité sociale et le renforcement du bonus à l'emploi.

Les entrepreneurs indépendants(à titre principal ou complémentaire) vont aussi bénéficier d’un sacré coup de pouce, puisqu’ils vont bénéficier d’une déduction d’une première tranche de leurs bénéfices/profits (après imputation de leurs frais professionnelles). Le montant de la déduction n’est malheureusement pas encore connu…

Les entreprises qui investissent vont se voir octroyer des mesures de faveur à l’impôt des sociétés. A titre illustratif, elles pourront pratiquer un amortissement accéléré pour certains investissements — en particulier dans la recherche et développement (R&D) et les énergies renouvelables - et reporter la déduction pour investissement sur les exercices ultérieurs.

La réforme fiscale devrait par ailleurs inciter des cadres supérieurs et CEO étrangers (touchant des rémunérations élevées) de franchir la frontière pour venir travailler pour des entreprises belges. Ainsi, l’accord gouvernemental prévoit-il de renforcer l’attrait du fameux régime fiscal des « impatriés », également dénommé dans le jargon le régime des « expats ». J’épinglerai ici en particulier l’augmentation du montant susceptible d’être remboursé en franchise d’impôt - au titre de frais propres à l'employeur-, via la suppression du plafond (qui était autrefois de 90.000 euros). 

Les concepteurs de logiciels informatiques (software) vont aussi pouvoir empocher un montant net plus élevé, puisque ceux-ci vont devenir à nouveau éligibles au régime fiscal des droits d'auteur.  L’accès à ce régime leur avait été interdit suite à une loi adoptée à la fin de l’année 2022.

Le secteur immobilier va bénéficier de certaines mesures, notamment l'extension du taux réduit de TVA de 6% aux cessions de logements construits après démolition d’un bâtiment existant.

2. Qui sont les perdants ?

Les investisseurs et les actionnaires de sociétés vont faire les frais de la réforme, puisqu’ils devront subir la nouvelle contribution de solidarité, c’est-à-dire la nouvelle taxe générale de 10% sur les plus-values sur actifs financiers. 

Ainsi, un investisseur lambda devra verser au fisc un impôt de 10% sur ses plus-values boursières (sur actions cotées) au-delà de 10.000 euros par an. 

Les actionnaires de PME sont en grande partie épargnés. En effet, les plus-values réalisées par ceux qui détiennent des participations importantes -soit des participations représentant plus de 20% du capital - bénéficieront d’une exonération jusqu’à un montant d’1.000.000 euros. Par ailleurs, le montant de la plus-value excédant 1.000.000 euros bénéficiera de taux progressifs réduits, allant de 1,25% jusqu’à 10% (à partir de 10.000.000 euros).

Certaines sociétés « holdings » (c’est-à-dire les sociétés qui détiennent des actions) sortiront aussi perdantes de la réforme. Seules les sociétés holding considérées comme « grandes » (sur une base consolidée)  feront toutefois face à un durcissement des conditions d’exonération des dividendes et des plus-values sur actions; les holdings de petite ou moyenne taille sont donc épargnées. 

L’accord gouvernemental prévoit de supprimer la déduction fédérale d'intérêts d’emprunts contractés pour acquérir ou rénover une seconde résidence.  Cette mesure, qui s’appliquerait aussi aux emprunts en cours ( !), va faire mal au portefeuille de nombreux multipropriétaires. En effet, cette déduction permet aujourd’hui à de nombreux contribuables d’échapper en grande partie à l’impôt des personnes physiques sur les revenus immobiliers imposables liés à une seconde résidence (occupée à titre privé) et/ou à des immeubles destinés à la location (acquis à titre d’investissement).  

Autre victime : les dirigeants d’entreprises (PME/sociétés de management). D’une part, l’accord gouvernemental prévoit un rehaussement du seuil de rémunération minimale de 45.000 EUR à 50.000 EUR (indexé chaque année), afin de pouvoir bénéficier du taux réduit à l'impôt des sociétés de 20% (sur la première tranche de 100.000 EUR). D’autre part, l’accord gouvernemental prévoit une limitation du montant de l’avantage de toute nature (ATN) à 20% de la rémunération annuelle brute. Ce changement devrait conduire dans certains cas les administrateurs à modifier leur politique de rémunération (limitation de la mise à disposition par la société d’un véhicule ou d’un logement gratuit, limitation de l’octroi de stock-options,…). 

Les investisseurs en crypto-monnaies et autres crypto-actifs vont être davantage exposés à un risque de contrôle fiscal (suite aux pouvoirs d’investigation accrus du fisc), et pourraient subir plus facilement qu’’auparavant un redressement fiscal (en fonction de leur profil). 

Denis-Emmanuel Philippe

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