24/10/12

ERIKA

Cour de Cassation de la République française – Préjudice écologique.

Le mardi 25 septembre 2012, par un arrêt volumineux (320 pages), la Cour de Cassation française a confirmé toutes les condamnations prononcés par la Cour d'appel dans l’affaire du naufrage de l’Erika.
Rappelons que le samedi 11 décembre 1999, alors qu'il effectuait, chargé d'une cargaison de 30 884 tonnes de fioul lourd, un voyage de Dunkerque à Livourne (Italie), le navire citerne Erika, battant pavillon maltais, a subi, pendant sa traversée par gros temps du golfe de Gascogne, une défaillance de sa structure. Celle-ci a d'abord provoqué une prise de gîte importante, puis la cassure de sa coque quelques heures après; que cette avarie a entraîné, le 12 décembre, le naufrage du navire alors qu'il se trouvait en zone économique exclusive (ZEE), à une trentaine de milles nautiques au sud de la pointe de Penmarc'h, en Bretagne. Les deux parties du navire ont ensuite coulé par 120 mètres de fond, à peu de distance du lieu de l'avarie, malgré une tentative de remorquage, vers le large, de la partie arrière. A la suite de cet accident de mer, une partie importante de la cargaison et des soutes du navire s'est répandue dans l'océan ; En raison de l'orientation des vents et de la nature du produit transporté, les dommages résultant de ce rejet ont atteint le littoral quelques jours après et affecté plusieurs centaines de kilomètres de côtes depuis la pointe de Bretagne jusqu'à l'île de Ré.

Le tribunal de première instance avait déclaré irrecevables certaines des constitutions de partie civile et avait considéré que la transaction signée par l'une d'entre elles avec le Fonds international
d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) ne pouvait pas bénéficier aux prévenus tiers à la transaction. Le tribunal a décidé que le droit commun de la responsabilité civile trouvait à s'appliquer à l'ensemble des mis en cause, dont aucun ne pouvait se prévaloir des dispositions de la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de 1992, (Convention CLC 69/92), limitant cette responsabilité et la canalisant sur le propriétaire. Les juges ont, en outre, estimé que plusieurs parties civiles pouvaient obtenir réparation du "préjudice résultant de l'atteinte à l'environnement”.
Sur appels des prévenus, appel du ministère public limité au délit de pollution s'appliquant à ces prévenus et aux filiales relaxées de Total SA et appels de parties civiles dont la constitution avait été déclaré irrecevable, qui avaient été déboutées ou n'avaient pas obtenu qu’il soit fait droit à
l’intégralité de leurs demandes, la Cour d'appel a, sur l’action publique, confirmé le jugement.

Sur l'action civile, elle a restreint la liste des débiteurs de dommages-intérêts en reconnaissant la qualité d'affréteur à Total SA et en faisant, ainsi, bénéficier cette société, en l’absence de faute inexcusable de sa part, de l'immunité de responsabilité relative à l'obligation à la dette, prévue par l'article III §4 de la Convention CLC 69/92 précitée. Elle a, en outre, modifié la liste des créanciers des dommages-intérêts en tenant compte de la portée des transactions intervenues, réformé le jugement dans ses dispositions portant sur la recevabilité de certaines constitutions de partie civile et alloué à plusieurs d'entre elles des indemnités au titre du préjudice écologique ou environnemental.

La Cour de Cassation a rajouté la responsabilité civile dont Total, en tant qu’“affréteur véritable” de l’ERIKA avait été exonéré du fait de la convention internationale précitée.

La Cour a confirmé par ailleurs le “préjudice écologique” réclamés par plusieurs collectivités et associations (la ligne de protection des oiseaux), dissocié du dommage économique indemnisé par ailleurs.

Dans cet arrêt définitif (sans renvoi devant une nouvelle Cour d’appel), la Cour de Cassation fixe les indemnités et amendes.

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