22/10/12

Le dialogue compétitif : une nouvelle procédure adaptée à la passation des contrats de partenariats publics privés ?

La particularité des PPP

Il apparaît tout d'abord nécessaire de préciser de quoi on parle sous le couvert de l'appellation « PPP ».

Il n'existe ni en droit belge ni en droit européen de définition légale des PPP. Cette appellation « non contrôlée » recouvre des montages juridiques et financiers très différents.

On attribue le label PPP à des projets peu comparables tels que le contrat DBFM pour la réalisation d'une ligne de tram à Liège, des projets de maisons de repos et de soins et de résidences services ou encore la réalisation d'un projet de lotissement de type éco-quartier.

Ce qui différentie les PPP des marchés publics classiques réside en fait dans l'économie du contrat (les objectifs, la durée, la répartition des tâches et des risques).

Le marché public de travaux classique a pour but l'acquisition immédiate d'un actif immobilier dès la réception des travaux et au moindre coût, ce qui peut s'avérer désastreux dans le cas d'infrastructures très couteuses en entretien.

On connait le contrexemple de l'autoroute des Ardennes dont le revêtement a coûté très cher en travaux de réfection.

Dans le cas du contrat PPP, le but n'est pas d'obtenir un ouvrage mais un service durable qui consiste dans la disponibilité d'une infrastructure qui doit répondre à certaines performances durant une longue période correspondant au cycle de vie du projet.

La rémunération est différée jusqu'au moment de la mise à disposition de l'ouvrage et dépend de la qualité du service. Cette redevance périodique ou « indemnité de disponibilité » est versée pendant toute la durée d'utilisation de l'infrastructure.

La conception est le plus souvent réalisée par l'opérateur privé qui est responsable de l'ensemble des risques de construction.

Enfin, les projets PPP reposent sur le financement d'un projet qui doit être collecté par l'opérateur privé.

Correspondent à ces caractéristiques, les contrats du type DBFM (Design, Build, Finance, Maintain).

La singularité de la procédure de dialogue compétitif

Parmi les marchés DBFM qui viennent d'être publiés, certains adoptent la nouvelle procédure de dialogue compétitif. Il en est ainsi du marché lancé par la Région de Bruxelles-Capitale pour la rénovation et l'entretien du tunnel Léopold II ou du marché publié par la Ville de Bruxelles pour l'aménagement sur le plateau du Heyzel d'un centre commercial, de logements et de fonctions connexes (NEO).

La procédure de dialogue compétitif présente la singularité de s'opérer en deux phases essentielles :

- une phase de dialogue qui a pour objet pour les opérateurs privés non de déposer des offres à négocier mais de formuler et perfectionner des propositions techniques juridiques et économiques pour la réalisation d'un projet complexe ;
- après clôture du dialogue, une phase de dépôt des offres finales.

La grande différence avec le marché public classique est que le pouvoir adjudicateur n'établit pas immédiatement un cahier spécial des charges arrêtant les modalités du projet mais seulement un programme fonctionnel dans lequel il définit ses objectifs, à rencontrer par les participants au dialogue.

Le pouvoir adjudicateur doit justifier par une décision motivée que deux conditions essentielles d'application sont réunies :

- le marché doit avoir pour objet un projet particulièrement complexe,
- le pouvoir adjudicateur se trouve face à l'impossibilité objective de passer le marché via une procédure ordinaire.

Qu'est-ce qu'un projet particulièrement complexe ?

La complexité peut être d'ordre technique, par exemple lorsqu'il est impossible de définir d'emblée les moyens techniques adéquats, ou bien encore qu'il n'est pas possible de choisir entre différentes solutions techniques possibles.

La complexité peut aussi être liée à la mise en place d'un montage juridique et financier adéquat compte tenu de l'insuffisance des fonds publics et de l'urgence de la réalisation du projet.

En quoi le dialogue compétitif peut-il faciliter les PPP ?

Par rapport à la procédure négociée avec publicité préalable, le dialogue compétitif présente une plus grande sécurité juridique.

Il faut savoir que la Commission Européenne a une interprétation très restrictive des conditions dans lesquelles un pouvoir adjudicateur peut recourir à la procédure négociée dans le cas exceptionnel où les aléas du marché ne permettent pas une fixation préalable et globale du prix.

Pour la Commission, seule une complexité intrinsèque d'ordre technique permet le recours à la procédure négociée.

Tel n'est pas le cas du dialogue compétitif qui peut être justifié par une complexité d'ordre juridique et financière.

Cet enjeu est très important car un PPP ne se conçoit pas sans négociation et grand nombre de projets ne présentent pas de complexité intrinsèque d'ordre technique.

Autre avantage précieux du dialogue compétitif : il permet de négocier la nature même du contrat qui va être en définitive passé avec les pouvoirs publics.

Suivant la fiche explicative de la Commission Européenne sur le dialogue compétitif, un projet conçu au départ comme une concession impliquant un transfert pur et simple du risque d'exploitation à l'opérateur privé peut en cours de dialogue se transformer en marché public comportant un financement ou des garanties à charge du partenaire public.

Le dialogue compétitif permet donc de négocier la « matrice des risques » à savoir la répartition des risques d'un projet entre secteur public et secteur privé (risques de construction - non-respect des délais d'exécution, dépassement du budget, non-conformité des travaux - risques environnementaux (tel que le coût de la dépollution des terrains), risques commerciaux (liés à la disponibilité des ouvrages et à la fluctuation de la demande de la part des usagers), risques financiers.


Le dialogue compétitif : une procédure adaptée à la passation des contrats de partenariats publics privés ?

Le dialogue compétitif est très certainement une procédure adaptée pour les PPP comportant un financement de projet complexe. Pour les projets de moindre importance qui ne présentent pas de complexité objective, les conditions d'application seront difficiles à justifier.

Sa réussite est cependant subordonnée à une préparation minutieuse de la part des pouvoirs adjudicateurs qui doivent apporter un soin particulier à la rédaction du règlement du dialogue et à l'établissement d'un programme fonctionnel.

Ce règlement du dialogue doit notamment formaliser les mesures qui garantissent la confidentialité des propositions à formuler par les participants.

Une mutualisation de l'expertise publique en matière de PPP apparaît donc d'autant plus nécessaire.

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