06/09/12

LA RÉMUNÉRATION NEUTRE EN TERMES DE GENRE: NOUVELLES OBLIGATIONS POUR LES EMPLOYEURS

Tout le monde admet que le principe « à travail égal, rémunération égale » doit constituer le fondement de notre droit belge du droit du travail. Cependant, la femme « moyenne » gagne toujours à l'heure actuelle 11,50 % de moins que l'homme « moyen », et ce même lorsque l'effet a été neutralisé par le fait que les femmes travaillent plus souvent à temps-partiel, bénéficient d'une autre formation de base, sont plus souvent occupées dans des secteurs moins rémunérateurs, font des sacrifices pour leur famille et percent moins facilement dans certaines fonctions.

Avec la loi du 22 avril 2012, le législateur veut s'attaquer à cet écart salarial. Le coté symbolique n'est pas en reste puisque cette proposition de "Loi visant à lutter contre l'écart salarial entre les femmes et les hommes" a été prise lors de la journée internationale de la femme, le 8 mars 2012.

La loi a été publiée au Moniteur belge que le 28 août 2012 et entrera en vigueur le 7 septembre 2012.

L'objectif poursuivi par la loi est de rendre l'écart salarial visible et négociable, mais surtout imposer aux entreprises différentes obligations (administratives) complémentaires.

(i) Niveau interprofessionnel

L'évolution relative à l'écart salarial sera prise largement en compte au cours de négociations interprofessionnelles biennales.

(ii) Niveau sectoriel

Les commissions paritaires sont obligées de soumettre leur classification des fonctions au Service Public Fédéral Emploi.

L'évaluation des fonctions dites typiquement masculines et la sous-évaluation de certaines compétences féminines conduisent au fait qu'un nombre important de classifications de fonctions actuelles sont discriminatoires. Si les commissions paritaires ne rendent pas neutres sur le plan du genre les classifications de fonctions endéans un délai de 2 ans, elles pourront être sanctionnées à ce sujet.

(iii) Au niveau de l'entreprise

Les employeurs sont confrontés à trois nouvelles mesures:

(a) Bilans sociaux

Toutes les entreprises doivent, à l'avenir, ventiler les informations suivantes dans le bilan social, en fonction du sexe, sauf si le nombre de travailleurs concernés s'élève à moins de 4 :

  • Le nombre moyen de travailleurs à temps-plein et à temps partiel et le nombre total de temps-plein équivalent ;
  • Le nombre d'heures prestées des travailleurs à temps-plein et à temps partiel et le nombre total d'heures prestées;
  • Les frais de personnel des travailleurs à temps-plein et à temps partiel et le total de frais de personnel;
  • Le total des avantages accordés en plus de la rémunération.

(b) Rapport tous les deux ans sur la structure de rémunération au sein de l'organisation, pour les entreprises de plus de 50 travailleurs

Les employeurs qui emploient plus de 50 travailleurs, doivent établir un rapport sur la structure de rémunération au sein de l'entreprise.

Rapport d'analyse établi tous les deux ans

Tous les deux ans, une analyse détaillée de la structure de rémunération au sein de l'entreprise devra être établie sur base d'un formulaire type que le Service public fédéral Emploi mettra à disposition.

Ce rapport devra contenir les informations relatives aux éléments de rémunération suivants:

  • les rémunérations et avantages sociaux directs;
  • les cotisations patronales pour les assurances extralégales;
  • les autres avantages extralégaux.

Ces informations devront chaque fois être ventilées en fonction du sexe des travailleurs et être communiquées sur base :

  • du statut (ouvrier, employé, personnel de direction);
  • du niveau de fonction;
  • de l'ancienneté;
  • du niveau de qualification ou de formation.

Plan d'action

L'employeur doit transmettre le rapport d'analyse au conseil d'entreprise, ou à défaut au Comité pour la Prévention et la protection au travail (CPPT). Le conseil d'entreprise ou le CPPT examinera sur base du rapport d'analyse si l'entreprise gère une politique de rémunération sexuellement neutre et, si cela ne semble pas être le cas, jugera si cela est opportun que l'entreprise instaure un plan d'action afin d'apporter des solutions.

Un tel plan d'action contient:

  • les objectifs concrets;
  • les domaines d'action et les instruments pour atteindre ces objectifs;
  • le délai de réalisation;
  • le système de suivi d'exécution.

Si un tel plan d'action est d'application dans l'entreprise, le rapport doit contenir également un rapport d'avancement sur l'exécution de ce plan.

Sanction

L'employeur qui n'établit pas de plan d'action ou de rapport d'analyse peut être pénalement sanctionné. Par erreur, le législateur a cependant introduit les sanctions pénales dans un article de loi qui a été abrogé par le Code pénal social qui regroupe depuis peu, toutes les sanctions pénales du droit social. En attendant que cela ne soit rectifié, aucune sanction pénale ne pourra en principe être appliquée...

(c) Médiateur

Enfin, la loi prévoit que l'employeur peut désigner sur proposition du conseil d'entreprise ou, à défaut, du CPPT (donc seulement pour les entreprises qui occupent plus de 50 travailleurs) un membre du personnel en tant que médiateur. Contrairement à ce qui a été annoncé dans certains medias, la nomination d'un médiateur n'est donc absolument pas une obligation automatique.

Le médiateur est inspiré du personnage qu'est la personne de confiance dans le cadre de la législation liée au harcèlement au travail.

Le médiateur assiste l'employeur dans la rédaction d'un plan d'action et du rapport d'analyse. Il est également la personne auprès de qui les travailleurs qui se sentent discriminés peuvent introduire leur plainte pour inégalité salariale. La mission du médiateur consiste à éviter qu'un conflit potentiel ne s'aggrave, en enquêtant sur la plainte et en essayant d'atteindre une solution d'une manière informelle et anonyme, par le biais d'intervention auprès de l'employeur. Le médiateur agit de manière totalement autonome et doit pouvoir disposer pour l'exercice de sa mission, de toutes les informations utiles, telles que les documents sociaux et les fiches de salaires. L'employeur qui entrave le médiateur dans son travail risque de se voir infliger de lourdes sanctions pénales et/ou administratives. Cependant, également dans ce cas, il faudra attendre une rectification par le biais du Code pénal social avant que les sanctions ne puissent effectivement être appliquées.

Un arrêté royal doit apporter plus de précisions concernant, entre-autre, les attributions, les compétences requises et le statut du médiateur.

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