20/01/23

La mort programmée de la SICAV RDT

Le ministre des Finances veut abroger le régime fiscal des « SICAV RDT », mettant ainsi fin à un produit de placement fiscalement attrayant auquel ont recours de nombreuses sociétés belges pour placer leur trésorerie excédentaire. 


Le gouvernement a chargé le ministre des Finances de préparer une première série de mesures s’inscrivant dans le cadre de la « réforme fiscale plus large ». Pour financer l'augmentation de la quotité exonérée à l'impôt des personnes physiques, le ministre propose de supprimer un certain nombre de niches fiscales, notamment le régime de la « SICAV RDT ». 

Une SICAV RDT est un fonds investissant dans des actions, dont les statuts prévoient une distribution annuelle d’au moins 90% des revenus  (déduction faite des rémunérations, commissions et frais…). Il s’agit d’un produit de placement fort prisé par les PME belges soucieuses d’investir leurs liquidités excédentaires. De nombreuses banques privées de renom (Degroof, Delen,…) offrent ainsi à leur clientèle (sociétés belges) leur SICAV RDT « maison ».

Le succès de ce produit s’explique en particulier par la possibilité de bénéficier d’une exonération des dividendes reçus de la SICAV RDT (application du régime des revenus définitivement taxés, « RDT ») et des plus-values réalisées en cas de cession, alors même que la SICAV bénéficie d’un régime exorbitant du droit commun à l’impôt des sociétés et que la société belge ne détient pas une participation minimale dans la SICAV (soit une participation de 10% ou d’une valeur d’investissement de 2.500.000 EUR). Autrement dit : l’exonération est relativement facile à obtenir, dès lors que les conditions classiques du régime des RDT (conditions dites de « taxation » et de « participation minimale »)  ne jouent pas. 

Pour que ce régime fiscal puisse jouer pleinement, encore faut-il que la SICAV investisse dans des « bonnes actions », c’est-à-dire des actions de sociétés qui sont soumises à un niveau d’imposition suffisant. C’est pour cette raison que les SICAV RDT investissent le plus souvent dans des entreprises établies dans l’Union européenne ou aux Etats-Unis.   

La SICAV RDT a connu un véritable essor en 2018, suite à l’instauration d’une nouvelle condition de participation minimale dans le régime des plus-values sur actions. Depuis lors, pour qu’une société puisse réaliser une plus-value sur actions en exonération d’impôt, elle doit détenir une participation de 10% du capital de sa filiale ou une participation dont la valeur d’acquisition excède 2.500.000 EUR. Ainsi, les sociétés belges qui investissent leurs liquidités excédentaires dans des actions cotées (portefeuilles d’actions cotées composés par hypothèse de lignes d’investissements de moins de 2.500.000 EUR) sont-elles pleinement imposables à l’ISOC sur leurs plus-values sur actions. 

Exemple : une société belge investit ses liquidités excédentaires dans des actions d’AB InBev, pour un montant d’1.000.000 EUR. La condition de participation minimale n’est donc pas remplie. Si la société belge réalise une plus-value lors de la cession de sa participation dans AB InBev, celle-ci sera pleinement imposée à l’impôt des sociétés (au taux de 25%). 

Cette condition de participation minimale n’étant pas de mise en présence d’un investissement dans une SICAV RDT, on peut aisément comprendre pourquoi de nombreuses sociétés choisissent de placer leur cash dans dans ce produit.

On précisera au passage que l’abrogation de ce régime ne fera pas non plus les affaires des nombreuses sociétés belges qui investissent dans des sociétés d’investissement étrangères répondant aux critères de la SICAV RDT. On peut citer à cet égard le cas bien connu de la société d’investissement en capital à risque (SICAR) luxembourgeoise, qui réalise des investissements de type private equity.

Le message envoyé est clair : si les revenus tirés de véritables participations dans des filiales doivent pouvoir continuer à jouir de l'exonération des dividendes et les plus-values sur actions, les revenus de simples placements doivent être pleinement imposables à l'ISOC. L’autre mesure sur la table du gouvernement, visant - pour ce qui concerne les actions d’une valeur d’acquisition supérieure à 2.500.000 EUR, représentant une participation inférieure à 10%  - à réserver l’exonération des dividendes/plus-values sur actions aux seules « immobilisations financières » (et donc plus aux « placements de trésorerie ») participe de la même philosophie. 

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