Dans son arrêt Dominguez du 24 janvier 2012 (aff. C-282/10), la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après, la « CJUE ») a eu l’occasion de préciser la portée de l’article 7 de la Directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail, qui prévoit que tout travailleur a droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines.
Cet arrêt a été rendu dans le cadre d’un litige opposant Madame Dominguez, victim d’un accident de trajet entre son domicile et son lieu de travail, à son employeur, le Centre informatique du Centre Ouest Atlantique (ci-après, le « CICOA »). Celle-ci soutenait que l’accident de trajet était un accident de travail et devait relever du régime de ce dernier, avec pour conséquence que la période de suspension de son contrat de travail consécutive à l’accident devait être assimilée à un temps de travail effectif pour le calcul de ses congés payés. Le CICOA refusait néanmoins de lui donner gain de cause et fondait son refus sur les dispositions du code français du travail aux termes desquelles : (i) la naissance du droit au congé annuel payé est subordonné à la condition que le salarié ait travaillé au moins dix jours (ou d’un mois) chez le même employeur au cours de la période de référence. Or Madame Dominguez ne remplissait pas cette condition ; (ii) seules les périodes de suspension de l’exécution du contrat de travail en raison d’un accident de travail sont assimilées à des périodes de travail effectif, à l’exclusion de l’accident de trajet.
Interrogée à titre préjudiciel par la Cour de Cassation, la Cour commence par rappeler que le droit au congé annuel payé est un principe du droit social de l’Union dont la mise en oeuvre ne peut être effectuée que dans les limites expressément fixées par la directive. Dès lors que ce droit est accordé expressément à tous les travailleurs, la législation française ne peut donc valablement en subordonner la naissance à une période de travail effectif minimale de dix jours.
La CJUE précise ensuite que, selon la directive, le droit au congé annuel ne peut être affecté que le travailleur soit en congé maladie à la suite d’un accident survenu sur le lieu de travail (ou ailleurs) ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine que ce soit.
Enfin, il est intéressant de relever les développements de la CJUE sur les consequences du constat que des dispositions de droit national sont contraires avec une directive. A cet égard, il incombera au juge national de vérifier s’il peut interpréter le droit français comme permettant d’assimiler l’absence du travailleur pour cause d’accident de trajet à une absence pour cause d’accident du travail. Dans le cas où cette interprétation (dite « conforme ») serait impossible -parce qu’elle aboutirait à une interprétation contra legem du droit national-, Madame Dominguez pourra encore tenter de réclamer l’application directe de la directive à l’encontre du CICOA et, dans l’hypothèse où la directive pourra être invoquée à l’encontre du CICOA (c’est-à-dire si le CICOA figure au nombre des entités susceptible de se voir opposer des dispositions d’une directive ayant des effets directs), le juge national devra laisser les dispositions du code du travail en cause inappliquées. Madame Dominguez pourra également engager la responsabilité de l’État français afin d’obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi du fait de la méconnaissance de son droit au congé annuel payé.