02/08/11

Le monopole du PMU français est-il justifié ?

Cette question s’est trouvée au coeur d’un litige opposant Zeturf Ltd, une société de droit maltais prestataire de services de paris hippiques sur Internet, au Premier ministre français à propos de la décision implicite de ce dernier de refus d’abrogation du monopole conféré en France pour la gestion des paris hippiques hors hippodromes au PMU (aff. C-212/08). Ce monopole constituant une entrave à la libre prestation de services, en ce qu’il est de nature à limiter, pour les prestataires d’un autre Etat member que la France, l’exploitation des paris hippiques hors hippodromes en France, le renvoi préjudiciel ne concernait que le caractère justifié ou non de cette restriction.

A cet égard, la CJUE apporte trois précisions. En premier lieu, la lute contre la fraude ainsi que le blanchiment d’argent et la protection de l’ordre social eu égard aux effets des jeux de hasard sur les individus et la société peuvent justifier en principe des entraves à la libre prestation des services en matière de jeux de hasard. Notons qu’il n’en va pas de meme de l’objectif selon lequel le monopole vise à contribuer au développement rural par le financement de la filière équine. Il ne s’agit là que d’une conséquence bénéfique accessoire.

Toutefois, la CJUE ajoute immédiatement une réserve : l’institution d’une mesure aussi restrictive qu’un monopole ne saurait se justifier qu’en vue d’assurer un niveau de protection particulièrement élevé en ce qui concerne les objectifs admis. Il faut donc encore vérifier que le monopole était nécessaire, qu’en prévoyant celui-ci les autorités nationales visaient véritablement un tel niveau de protection. En particulier, la jurisdiction de renvoi devra examiner si le fait que des sommes importantes seraient blanchies au moyen d’un trafic de billets gagnants du PMU est compatible avec la poursuite d’un niveau de protection élevé.

En deuxième lieu, la CJUE constate qu’il semble exister un degree particulièrement étroit de contrôle étatique sur l’organisation des paris hippiques en France. En principe, la réglementation française est donc propre à garantir le double objectif de lutte contre la fraude et le blanchiment ainsi que la protection de l’ordre social.

Toutefois, la CJUE rappelle qu’une législation nationale n’est proper à garantir la réalisation des objectifs qu’elle poursuit que si elle répond véritablement au souci de les atteindre de manière cohérente et systématique. Or, un opérateur public peut se trouver tiraillé entre la tentation de maximiser ses recettes et de développer des occasions de jeux, d’une part, et l’objectif de réduire les occasions de jeux, d’autre part.

Certes, la CJUE a déjà estimé que la réconciliation était théoriquement possible en jugeant qu’une politique d’expansion contrôlée des activités de jeux de hasard était cohérente avec l’objectif visant à canaliser celles-ci dans des circuits contrôlés en attirant des joueurs exerçant des activités de jeux et de paris clandestins interdites vers des activités autorisées et réglementées.

Néanmoins, il incombera, au cas présent, au Conseil d’Etat français d’apprécier si la politique commerciale dynamique du PMU, alimentée par une importante publicité et la création de nouveaux jeux, peut être considérée comme s’inscrivant dans le cadre d’une telle politique d’expansion contrôlée dans le secteur des jeux de hasard, visant effectivement à canaliser l’appétence pour le jeu vers des circuits contrôlés. Il est permis d’en douter, les autorités françaises n’ayant pas, contrairement à ce qui était le cas dans les affaires Placanica et Liga Portuguesa de Futebol Profissional, démontré la réalité d’un marché noir des paris hippiques…

En troisième lieu, quant à la question de savoir si les marchés hippiques online peuvent être considérés comme étant distincts de l’ensemble du secteur, la CJUE estime qu’en présence d’une réglementation nationale qui s’applique de la même manière à l’offre de paris en ligne et à celle effectuée par des canaux traditionnels, et à propos de laquelle le législateur national n’a pas considéré qu’il était nécessaire d’opérer une distinction entre les différents canaux de commercialisation, il conviendra d’apprécier l’atteinte à la libre prestation des services du point de vue des restrictions apportées à l’ensemble du secteur concerné.

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