12/10/20

Mineur d’âge doué de discernement, un patient à part entière personnellement tenu au paiement de ses soins de santé ?

Il y a près de 20 ans, paraissait au Moniteur belge la loi du 22/08/02 consacrant juridiquement la notion de patient et reconnaissant à celui-ci un certain nombre de droits fondamentaux.

Le patient y est en effet défini comme « la personne physique à qui des soins de santé sont dispensés à sa demande ou non ». La loi vise ainsi, de manière générale, toute personne physique sans distinction d’âge, de sexe, de statut, …

La loi précise néanmoins, en son article 12, que si le patient est mineur, les droits qu’elle fixe sont exercés par ses parents ou par son tuteur étant entendu que ces droits peuvent être exercés par le patient mineur lui-même, de manière autonome, s’il est estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts.

Le patient mineur dispose donc, comme le patient adulte, de droits spécifiques, tels le droit à des prestations de qualité, le droit au libre choix du praticien, le droit au consentement quant à l’intervention envisagée et son corollaire, soit le droit à l’information, le droit de consulter son dossier médical, le droit au respect de sa vie privée et de son intimité lors d’une intervention ou encore le droit à la médiation en cas de plainte pour autant qu’il dispose de suffisamment de discernement pour poser des choix réfléchis.

Ce droit novateur pour le mineur de pouvoir poser librement des choix concernant sa santé, consacré par cette loi du 22/08/02 a toutefois suscité et suscite encore certaines difficultés dans sa mise en œuvre concrète.

En effet, dans un souci général de protection et de sécurité, le mineur présumé incapable est soumis au régime de l’autorité parentale relativement à sa personne et ses biens et au régime de la représentation concernant l’exercice effectif des droits dont il est titulaire en vertu de sa capacité de jouissance (art. 488 C. civ.).

Les pouvoirs conférés aux parents sur la personne et les biens de leur enfant dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale impliquent également des devoirs : hébergement, entretien, surveillance, éducation et formation (art. 203 C. civ.).

Quant à l’inaptitude présumée du mineur à faire valoir et exercer en personne les droits dont il est titulaire (disposer par voie de testament, contracter mariage, ester en justice, consentir à son adoption, de contracter, …), elle nécessite que le mineur puisse être représenté et/ou assisté d’une personne capable, disposant d’un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel, lui permettant de le remplacer et d’agir en ses lieu et place.

Les parents sont communément, pour le mineur, cette personne de substitution dans l’exercice conjoint de leur autorité parentale (art. 376 C. civ.) ; à défaut, son tuteur exercera ces fonctions (art.389 C. civ.).

La présomption d’incapacité générale du mineur et le régime de représentation en résultant connaissent toutefois certains tempéraments permettant au mineur, ayant atteint un certain âge ou doué de discernement, d’agir, dans certaines circonstances, de manière autonome.

L’incapacité générale d’exercice, de principe, laisse alors place à une incapacité relative, conférant ainsi au mineur de 12 ans le droit de consentir à son adoption, au mineur de 16 ans celui de disposer, par testament, de la moitié des biens dont peut disposer le majeur ou encore au mineur doué de discernement le droit de donner un avis dans les procédures concernant sa personne (droit de garde, de visite, ...) ou encore de consulter un médecin sans en aviser ses parents.

Le discernement, qui renvoie dans le langage courant à la capacité de vouloir et de comprendre, n’est, cela étant, pas légalement défini. Il appartient donc d’apprécier et de déterminer au cas par cas si le mineur en est doué ou non d’un discernement suffisant pour poser des choix réfléchis.

Cette appréciation discrétionnaire pourra varier en fonction de l’âge de l’enfant (une faculté de discernement pouvant déjà être reconnue à l’âge de 7 ans), de son développement, de sa maturité ou encore de la nature de l’acte à poser1.

Cette appréciation et la reconnaissance effective au mineur d’une faculté de discernement pourra, dans certains cas, s’avérer être un choix difficile dans le chef de la personne tenue d’en décider, compte tenu des conséquences de diverses natures pouvant en résulter (juridiques, financières, ...), et plus particulièrement encore dans le cadre de l’exercice du droit à la santé dont le corollaire est le droit au respect de l’intégrité physique.

Il ne sera dès lors pas nécessairement aisé pour le praticien professionnel d’apprécier l’habilité d’un patient mineur à exercer ses droits et déterminer quand, jusqu’où et selon quelles modalités, il est opportun d’associer le mineur à cet exercice.

La question sera d’autant plus délicate lorsque le choix posé par le patient mineur n’est pas conforme ou entre en conflit avec celui des parents ou du tuteur ou que le patient mineur entendra imposer le respect du secret médical, le médiateur institué par la loi du 22/08/02 pouvant jouer un rôle essentiel et pacificateur dans cette hypothèse.

Le praticien pourra toutefois intervenir sans le consentement du patient mineur ou de ses parents dans les cas d’urgence, s’il estime son intervention primordiale afin de prévenir toute menace pour la vie du patient mineur ou toute atteinte grave à sa santé2.

La relative capacité octroyée au mineur doué de discernement en matière de soins, principalement fondée sur sa capacité à pouvoir valablement exprimer son opinion et consentir à recevoir des soins, soit des aspects plutôt moraux, comprend également des aspects économiques et financiers : dispenser des soins occasionne nécessairement un coût dont il convient de définir à qui il incombe si le patient est mineur, qu’il soit ou non doué de discernement.

Que ce soient les parents qui soumettent de commun accord leur enfant à un acte médical ou que ce soit l’enfant mineur, doué de discernement, qui s’y soumette lui-même de manière autonome, le paiement des soins incombe en principe aux parents.

Une jurisprudence constante considère en effet que l’obligation des parents d’entretenir leurs enfants telle que consacrée à l’article 203 C. civ. se rapporte essentiellement aux soins physiques à leur dispenser, comprenant l’obligation de leur fournir les soins médicaux que nécessite leur état de santé.

Par conséquent, lorsque les parents emmènent ou envoient leur enfant au service d’une institution hospitalière, ils agissent en vertu d’une obligation qui leur est personnelle, et non en leur qualité de représentants légaux, et s’engagent dès lors sur leurs revenus et patrimoines et non sur ceux de leur enfant3.

En matière de soins de santé, les parents sont donc seuls tenus au paiement des frais, en vertu de leur obligation légale d’entretien : le mineur même devenu majeur ne pourra pas se voir imputer des frais de soins de santé prodigués durant sa minorité, même si ses parents sont insolvables4.

Une certaine nuance doit toutefois être apportée à ce principe consacré dans l’hypothèse où le mineur doué de discernement se serait soumis de manière autonome à un acte médical sans le consentement de ses parents voire contre leur gré ou en cas de désaccord entre eux.

En effet, dans ces cas de figure, il convient d’examiner si l’acte médical revêt un caractère nécessaire en vue de déterminer qui sera tenu au paiement des honoraires, cette obligation incombant aux parents, si l’acte posé était nécessaire et ce, toujours en vertu de leur obligation d’entretien5.

Encore faut-il pouvoir déterminer ce qui constitue un acte médical nécessaire, la majorité des actes médicaux et de soins pouvant être considérés par essence comme nécessaires, à l’exception peut-être de certaines opérations de chirurgie esthétique.

Solliciter auprès des parents du mineur doué de discernement, ayant consenti de manière autonome à un acte médical, le paiement des soins donnés peut du reste mettre le praticien professionnel en porte à faux avec son obligation de secret à l’égard de son patient mineur qui ne souhaite pas que ses parents soient informés, que l’acte soit nécessaire ou non6.

Le secret médical étant absolu, le praticien ne pourra pas s’adresser aux parents du patient mineur et devra trouver d’autres moyens de recouvrer ses honoraires, soit que le mineur dispose de ressources personnelles et s’acquitte de leur paiement, soit qu’il n’en dispose pas et que le praticien envisage alors d’y renoncer7.

Somme toute, la place à part entière reconnue au mineur doué de discernement en matière de soins de santé et son droit à consentir aux soins qu’il nécessite n’a pas pour corollaire son consentement de plein droit à la relation contractuelle et partant une incontestable obligation de paiement de ces soins dans son chef.

Caroline Geulette

Responsable du département juridique

1 Ce que dit la loi à propos du patient mineur http://www.hospichild.be, Commission pour la Protection de la Vie Privée, Avis du 12 juillet 2006, RG24/2006, https://lex.be

2 Le droit de refuser une intervention médicale, Fiches pratiques – Informations juridiques en droit belge, http://www.droitbelge.be/fiches

3 Trib. 1ère Inst. Bruxelles (4ième Ch. Civ.), 26/06/92, R.G.D.C., 1995, p. 137 ; Bruxelles (4ième Ch., 26 juin 2000, A.J.T., 2000-01, p. 722

4 K. Joliton, « Les mineurs et les soins de santé », J.D.J., n°225, 2003, pp. 21-22 ; La santé du mineur - Infor Jeunes, http://www.jeminforme.be

5 K. Joliton, op. cit., 2003, p. 22 ; Y-H Leleu, S. Delval, « Autorité parentale et actes médicaux », 2002, J.D.J., n° 214, p. 23 ; N. Colette Basecqz, S. Demars, M.-N. Verheagen, « L’enfant mineur d’âge dans le contexte de l’activité médicale », Rev. dr. sant., 1997-1998, p. 181

6 La santé du mineur - Infor Jeunes, http://www.jeminforme.be

7 K. Joliton, op. cit., 2003, p. 22

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