La loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises bouleverse indéniablement la législation économique en Belgique. Désormais, la réglementation propre aux entreprises est refondue et englobe les associations (internationales) sans but lucratif (AS(I)BL) et les fondations notamment sous l’égide du Code de Droit Economique (CDE). Toutes les A(I)SBL sont maintenant pleinement considérées comme des entreprises. Mais quelles en sont les conséquences pratiques ?
Le concept d’entreprise redéfini
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le 1er novembre 2018, le CDE énonce en son article I.1.1° chacune des organisations assimilées à une entreprise. Parmi elles, au point (b), toutes les personnes morales, en ce compris les A(I)SBL sont maintenant considérées pleinement comme des entreprises pour l’application du présent Code.
La loi, et les objectifs de rationalisation, d’information et de transparence qu’elle poursuit a sans conteste de nombreuses répercussions sur la réglementation en vigueur concernant la preuve, la comptabilité, la publicité et la compétence des tribunaux.
L’inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises
L’inscription auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE) demeure obligatoire pour chaque A(I)SBL lors de sa constitution (Art.III.50), et devra être d’autant plus activement et scrupuleusement conduite par les représentants, ayant capacité à cet effet (Art. III.53) auprès d’un guichet d’entreprise que son défaut sera bientôt lourdement sanctionné (voir infra.). Elle sera rendue prochainement gratuite mais portera toujours sur l’ensemble des informations listées à l’article III.18 CDE (tels que le nom, la dénomination sociale, la désignation des différentes adresses et unités d’établissement, la date de création, les données d’identification des fondateurs, mandataires etc.).
Notons que la date butoir pour l’inscription (gratuite) de chaque A(I)SBL auprès de la BCE en qualité d’entreprise est de 6 mois à partir d’une date fixée par un arrêté royal encore en discussion. Le point de départ de ce délai de 6 mois est, à l’heure actuelle, encore incertain, en ce qu’il est dépendant de l’état d’avancement du projet 'BCE+', qui développera et modifiera considérablement le fonctionnement de la BCE. Les sanctions pour l’absence d’inscription ou l’inscription incomplète à la BCE ne seront également d’application qu’après l’écoulement de ce délai.
Par ailleurs, aucun changement n’est introduit concernant la tenue de la comptabilité au sens strict et le dépôt de ses comptes annuels par une association à la Banque Nationale de Belgique (BNB) puisque le CDE renvoie explicitement au régime prévu par la loi du 17 juin 1921 sur les ASBL pour l’application de ces formalités. Pour le surplus, les obligations comptables sont intégralement reprises dans le CDE (Art.III.82 à III.95).
De nouvelles perspectives pour les associations
La réforme apporte son lot de nouveautés, censées harmoniser et simplifier le droit propre aux activités économiques tout en améliorant la transparence des entités concernées :
- Le tribunal de l’entreprise (anciennement tribunal de commerce) est désormais compétent pour régler les contestations entre entreprises -dont les A(I)SBL- (à travers la nouvelle mouture de l’article 573, 1° du Code Judiciaire). Notons que s’il n’est pas lui-même une entreprise, le demandeur en justice bénéficiera également de l’option d’introduire sa demande contre une association, devant le tribunal de première instance ou la justice de paix (si le montant ne dépasse pas 5.000 EUR).
- Le champ d’application élargi du concept d’entreprise s’applique au système modernisé de l’apport de la preuve (le nouvel article 1348 bis du Code Civil). La preuve pourra être apportée par tous les moyens de droit contre une A(I)SBL tels que la présomption ou le témoignage. La preuve basée sur la comptabilité, même non régulièrement tenue, sera admise, tout comme la preuve par une facture. Ce droit de preuve qui ne s'appliquait auparavant qu'entre commerçants est désormais ouvert à toutes les entreprises, donc aux
A(I)SBL.
La faillite et l’insolvabilité des associations
Rappelons que depuis l’entrée en vigueur du nouveau livre XX CDE le 1er mai 2018 les procédures de faillite et de sauvegarde des entreprises s’appliquent également aux associations, ouvrant la procédure d'insolvabilité à toutes les A(I)SBL qui peuvent maintenant légitimement être déclarées en faillite par le tribunal de l’entreprise ou faire appel aux mesures préventives organisées par le nouveau livre XX CDE.
Les sanctions
Le non-respect des obligations ci-énumérées pourra entraîner une amende de 26 à 10.000 EUR (Art. XV 77). Sont précisément concernés :
- l’exercice par une A(I)SBL d’une activité sans avoir procédé à son inscription en cette qualité à la BCE ;
- l’inscription incomplète ou erronées quant aux données reprises à la BCE ;
- l’exploitation d’une unité d'établissement non reprises à la BCE ;
- l’introduction d’une demande de modification et de radiation erronée ou tardive à la BCE, qui devra se faire dans un délai d’un mois à compter du changement de situation de l’A(I)SBL ;
- les infractions aux impératifs de transparence susmentionnés et établis aux articles III.74 à III.77 et III.81 CDE.
Par ailleurs, en vertu de l’article III. 26 CDE, l’absence d’inscription ou une inscription faussée ou incomplète à la BCE pourrait entraîner l’irrecevabilité d’une action en justice introduite par l’A(I)SBL.
Les autres changements attendus
Après avoir achevé sa révision des mécanismes relatifs à l’insolvabilité et la sauvegarde des entreprises, le législateur poursuit son objectif de rationalisation du droit des entreprises qui s’achèvera lors de l’adoption future du nouveau Code des Sociétés et des Associations (CSA).
Soulignons que le projet du nouveau CSA prend assurément une direction similaire à la loi du 15 avril 2018 réformant le droit des entreprises en aspirant en son sein la règlementation propre à l’organisation interne des A(I)SBL. Selon le dernier projet, la future summa divisio tracée entre sociétés et associations prendrait uniquement sa source dans l’impossibilité pour les associations de distribuer des bénéfices à leurs membres.
En attendant, cette logique de simplification amène la nouvelle loi à promouvoir une professionnalisation accrue de la gestion des A(I)SBL et une protection des tiers et créanciers renforcée au travers des obligations nouvelles de transparence, de publicité et des dispositions relatives au droit de l’insolvabilité.
Maxime Violon