Les offres initiales de jetons, ou Initial Coin Offerings, sont des opérations de levées de fonds effectuées à travers une technologie de registre distribué (DLT) qui donnent lieu à une émission de jetons numériques (« tokens »).
Généralement utilisées par des FinTechs, les ICO concernent bien d’autres secteurs à la recherche de nouveaux modes de financement, et notamment le monde sportif.
Phénomène récent et en plein essor, ces opérations échappent pour l’instant à un cadre juridique clair. Or, les ICO, qui mettent en jeu des sommes énormes, soulèvent de nombreuses questions juridiques essentielles (protection des investisseurs contre les escroqueries, risque de blanchiment de capitaux, fiscalité applicable, …). Face à cette problématique mondiale et par nature transnationale, les régulateurs nationaux ont, pour l’instant, adopté des approches disparates : interdiction (Chine, Corée du Sud), application de la réglementation sur les instruments financiers (Canada, Etats-Unis), élaboration de classifications (Suisse), ou encore proposition d’une législation propre (France).
En Belgique, l’encadrement juridique des « ICO » demeure flou. À ce jour, seule une communication la FSMA (Autorité des Services et Marchés Financiers) sert de référence en la matière (1). Cette communication liste les législations européennes et belges susceptibles de s’appliquer aux émetteurs d’ICO (2) Pour déterminer la loi applicable, il faudra être attentif à la manière dont l’ICO concernée est structurée, ainsi qu’aux circonstances et au contexte de l’opération (3).
La FSMA s’aligne sur les constats effectués par l’AEMF (Autorité européenne des marchés financiers) en prévoyant que la directive prospectus, la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID), la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatif (AIFMD), le règlement sur les abus de marché (MAR) et la 4ème directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AMLD4) sont potentiellement applicables aux ICO.
Au niveau belge, on retrouve également plusieurs textes de loi susceptibles de s’appliquer, comme le règlement de la FSMA du 3 avril 2014 concernant l’interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail. Ce règlement prévoit qu’il est interdit de commercialiser en Belgique, à titre professionnel, auprès d’un ou de plusieurs clients de détail, des produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d’une monnaie virtuelle.
La loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d’instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés pourrait aussi s’appliquer. Cette loi impose l’établissement d’un prospectus soumis à l’approbation de la FSMA pour toute offre publique d’instruments de placement effectués sur le territoire belge.
Enfin, la FSMA cite aussi la loi du 18 décembre 2016 organisant la reconnaissance et l’encadrement du crowdfunding et portant des dispositions diverses en matière de finances. Cette loi établit les conditions d’agrément de l’activité de plateforme de financement alternatif ainsi que les règles que les fournisseurs de services de financement alternatif doivent respecter.
D’autre part, la communication de la FSMA s’adresse également aux consommateurs. Elle les avertit principalement des risques liés aux ICO : absence de protection, législation sommaire ou non existante, …
Pour garantir un certain niveau de sécurité juridique en la matière, une intervention législative serait la bienvenue. Il semblerait que celle-ci soit en bonne voie, avec le projet de règlement européen relatif aux prestataires de services de financement participatif pour les entreprises (4). Dans ce projet, le Parlement européen a proposé des amendements englobant les ICO.
(1) Le ministre des finances s’y est amplement référé à l’occasion d’une question parlementaire : Question n°1941 de B. Friart du 30 novembre 2017, Q.R.V.A., Ch., 2017-2018, n° 54-142, p. 75.
(2) FSMA, « Initial Coin Offerings », 13 novembre 2017, https://www.fsma.be/sites/default/files/public/content/FR/circ/fsma_2017_20_fr.pdf.
(3) A. CASSART (coord.), Le droit des machintechs (FinTech, LegalTech, MedTech…) États des lieux et perspectives, Coll. de la Conférence du Jeune Barreau du Brabant Wallon, Bruxelles, Larcier, 2018, p. 98.
(4) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entreprises, COM (2018) 113 final, 8 mars 2018.