30/06/10

A lease management contract considered as a labor contract !

La Cour de Cassation française a requalifié un contrat de location-gérance du réseau Yves Rocher en contrat de travail. La question se pose de savoir si une telle décision pourrait faire jurisprudence en Belgique.

Par décision du 13 janvier 2010, la Cour de cassation française a requalifié un contrat de location-gérance du réseau Yves Rocher en contrat de travail constatant que la locataire-gérante « assurait l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne « Institut de beauté Yves Rocher », qui consistait essentiellement à vendre des produits de beauté que la société Yves Rocher lui fournissait exclusivement, que les conditions d’exercice de cette activité étaient définies par le fournisseur et que sa contractante ne pouvait disposer de la liberté de fixer les prix de vente des marchandises déposées. »

Même si une nouvelle version de contrats de location-gérance a été élaborée par le franchiseur Yves Rocher, il est à craindre que cette décision fasse jurisprudence pour les 24 anciennes locataire-gérantes du réseau Yves Rocher qui ont déjà saisi les Prud’hommes pour obtenir la requalification de leur contrat en contrat de travail et obtenir des indemnités considérables (rappels de salaires, heures supplémentaires, indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ainsi que des dommages et intérêts).

La question se pose de savoir si une telle situation pourrait se produire en Belgique.

Les juges belges ne sont, à l’instar des juges français, pas liés par la qualification donnée par les parties à leur contrat et ont également été amenés, à plusieurs reprises, à requalifier certains contrats en contrat de travail lorsque l’exécution de ces contrats révélaient l’existence d’un lien de subordination caractéristique du contrat de travail.

S’agissant des contrats de franchise, en l’absence d’intervention du législateur dans ce domaine (sous réserve de la loi sur l’information précontractuelle mais qui, comme son nom l’indique, ne vise que la phase précontractuelle de l’accord de partenariat et non le contrat lui-même), ce sont la doctrine et la jurisprudence qui ont dessiné les contours du contrat de franchise, les droits et obligations qui en découlent et les caractéristiques qui permettent de distinguer ce contrat d’autres types de partenariat.

L’un des éléments essentiels du contrat de franchise est l’assistance qui doit être assurée par le franchiseur à son franchisé. Cette assistance peut prendre différentes formes et viser des aspects divers (formation, aménagement des locaux, système de caisse, présentation des produits, gestion des stocks et des commandes, comptabilité, publicité, etc…).

Toutefois, afin d’éviter une requalification en contrat de travail, il est primordial de laisser une certaine marge d’initiative au franchiser afin qu’il reste le maître de son affaire. Son statut ne sera pas remis en cause s’il bénéficie de toute latitude pour fixer ses conditions de travail, décider des personnes qu’il embauche ou qu’il licencie et de la rémunération du personnel ainsi que des prix de vente qu’il pratique. Par ailleurs, sous réserve de directives plus ou moins précises, c’est au franchisé que revient le devoir de tenir sa comptabilité, même s’il est admis que le franchiseur puisse contraindre le franchisé à recourir aux services d’un comptable agréé par lui.

Ces considérations permettent dès lors de rapprocher les droits belge et français en présence d’un lien de subordination entre les cocontractants.

Cependant, encore faut-il relever une différence fondamentale entre les deux systèmes puisque, contrairement au droit belge, le Code du travail français étend l’application du droit du travail à certaines catégories de professionnels qui ne se trouvent pourtant pas dans un véritable lien de subordination. Ainsi, conformément à l’article L7321-2 du Code du travail français, des professionnels indépendants peuvent voir le contrat requalifié en contrat de travail s’ils exercent leur activité pour le compte d’une seule entreprise dans un local fourni ou agréé par elle et selon des conditions et des prix également imposés par elle.

Or, dans le cas Yves Rocher, c’est bien sûr cette disposition particulière du Code du travail français que la Cour de cassation a motivé sa décision. La Cour de cassation s’est en effet fondée, non pas sur un lien de subordination, inexistant au demeurant, mais sur la base d’un environnement contractuel contraignant caractérisé par l’existence de conditions et de prix imposés.

Une telle décision, motivée de la sorte, ne pourrait dès lors pas être prononcée par un juge belge en l’absence de disposition comparable à cet article L7321-2 dans notre droit belge.

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