06/05/13

Décision du Tribunal de commerce de Liège en matière de droit des marques et de publicité comparative

Le 28 février 2013, le Tribunal de commerce de Liège a rendu une décision dans le cadre d’un litige opposant deux opérateurs de télécommunication belges au sujet d’un slogan publicitaire développé par l’un d’entre eux afin de promouvoir sa nouvelle offre « triple play » (téléphonie, internet et télévision). Le slogan litigieux citait la marque de l’autre opérateur. Il s’agissait pour le Tribunal de déterminer si ce faisant, le slogan litigieux constituait une violation des droits liés à la marque antérieure et/ou une publicité comparative illicite.

En février dernier, la société KPN Group Belgium lançait sur le territoire belge sa nouvelle offre « triple play » - comprenant les services de téléphonie, internet et télévision - sous la marque « SNOW ». Afin de promouvoir cette nouvelle offre, KPN a lancé une campagne publicitaire utilisant le slogan suivant : « VOOus serez mieux chez nous ».

Ce slogan a immédiatement suscité une réaction auprès de la société Tecteo, titulaire de la marque « VOO » enregistrée entre autres pour son service « triple play ». D’après Tecteo, il s'agissait d'une violation de ses droits exclusifs portant sur sa marque « VOO » ainsi que d'une publicité comparative illicite. Par conséquent, une action comme en référé fut introduite devant le Tribunal de commerce de Liège.

Concernant la prétendue violation des droits exclusifs liés à la marque « VOO » sur base de l’article 2.20.1 (c) de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (CBPI), le Tribunal a estimé que, si la renommée de la marque ne faisait aucun doute, Tecteo n'a pas réussi à démontrer qu’en utilisant le slogan litigieux, KPN tirait indument profit ou portait atteinte au caractère distinctif ou à la renommée de la marque. Le Tribunal rappelle que le titulaire de la marque antérieure « doit apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d'une analyse de probabilité et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l'espèce […] le titulaire de la marque antérieure doit, toutefois, établir l'existence d'éléments permettant de conclure à une risque sérieux qu'une telle atteinte se produise dans le futur. »

Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que l'utilisation du mot « VOO » dont le second « O » est biffé, repris dans une phrase comprenant un adverbe de comparaison (« mieux »), laisse sous-entendre que KPN tente, non pas de tirer profit de la marque « VOO » mais au contraire, de s'en distinguer en faisant comprendre au public concerné l'intérêt d'un achat chez elle plutôt qu’auprès de Tecteo.
Le Tribunal se penche ensuite sur la question de savoir si le slogan litigieux est constitutif de publicité comparative illicite. A ce sujet, le Tribunal rappelle que seul le dénigrement est interdit aux termes de l’article 19 de la Loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (LPMC). Il y a dénigrement si « la comparaison effectuée est présentée en des termes extrêmes ou qui visent à ridiculiser le concurrent ».

En l’espèce, le Tribunal est d'avis que « la hachure du second « O » paraît nécessaire pour que le mot « VOO » suivit des lettres « u » et « s » puisse être envisagé comme le sujet de la phrase repris à la deuxième personne du pluriel afin d'interpeller le client, tandis que la mention des deux « O » était elle aussi utile pour permettre la comparaison avec le produit « triple pack » commercialisé par Tecteo. Du caractère nécessaire de cette hachure, il ne peut donc qu'être déduit l'objectivité de la publicité dont l'aspect quelque peu humoristique ne peut conduire à l'affirmation d'un dénigrement.»

Le Tribunal a également estimé que la publicité fournit au consommateur tous les éléments de comparaison lui permettant d’en vérifier l'exactitude, dès lors que la publicité fait clairement référence d'une part aux trois produits proposés dans un seul pack, et d'autre part, au prix demandé pour ledit pack, avec la mention précise du contenu du service offert.

Par conséquent, le Tribunal déclare les demandes formulées par Tecteo recevables mais non fondées.

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