07/01/13

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE DE SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION – ASSOUPLISSEMENT EN VUE

Introduction

L’article 2244 du Code civil prévoit que la citation interrompt la prescription de l’action : la citation empêche en effet que la prescription continue de courir pendant le traitement de l’affaire par le tribunal.
La prescription peut être soit interrompue, soit suspendue. À la fin d’une période d’interruption, les compteurs sont remis à zéro puisque le délai déjà écoulé avant cette interruption est entièrement effacé ; il faut donc ré-entamer un nouveau délai de prescription, qui sera égal à l’ancien. À la fin d’une période de suspension par contre, le délai déjà écoulé avant cette suspension est pris en compte, et la prescription continue de courir pour la partie restante du délai.

Dans leurs « Dialogues Justice » (2004), MM. Erdman et de Leval avaient entre autres abordé la question de l’interruption de la prescription.

Ainsi, ils pointaient du doigt le problème de l’introduction de nombreuses procédures non dans le but d'obtenir une décision en justice, mais souvent uniquement en vue de bénéficier de l'effet interruptif de la prescription.

Deux des problèmes cernés à l’époque viennent récemment de recevoir une (proposition de) solution législative, à savoir (a) l’effet interruptif de la prescription octroyé à une mise en demeure d’avocat, et (b) l’effet interruptif de la prescription octroyé à une citation nulle pour défaut de forme.

Effet interruptif de la prescription octroyé à une mise en demeure d’avocat

Le Sénat a approuvé le 19 juillet 2012 une proposition de loi modifiant l’article 2244 du Code civil, dans le but d’attribuer à la lettre de mise en demeure de l’avocat un effet interruptif de la prescription. Cette proposition avait été déposée en 2010.

Actuellement encore soumise au vote de la Chambre des Représentants, l’on anticipe une publication du texte légal avant la fin de cette année.

Par cette proposition de loi, l’on cherche à mettre une fin aux citations lancées à titre purement conservatoire, à la seule fin de ne pas voir s'éteindre son droit, et alors que des discussions ou négociations sont encore engagées entre les parties pour solutionner le problème à l'amiable.

Cette proposition de loi permettrait d'aboutir aux mêmes effets en évitant les inconvénients liés à la citation introductive d'instance. Une mise en demeure rédigée par un avocat deviendrait un acte particulier, qui serait doté d'une force et d'une protection légale particulières comparables à celles qui sont reconnues en droit civil aux actes notariés et en droit des sociétés aux actes des réviseurs d'entreprises.

La mise en demeure envoyée par un avocat interrompra la prescription, et ne la suspendra pas : elle n’aura pas pour conséquence que le cours de la prescription est indéfiniment suspendu mais, pour autant qu'elle intervienne dans le délai initial de prescription, elle fera courir un nouveau délai de prescription semblable au délai initial.

Moyennant le respect de certaines conditions strictes et impératives (par envoi recommandé, mention précise et complète de toutes les données concernant la dette), une mise en demeure d’avocat aura donc un effet interruptif sur le cours de la prescription.

Notons dès à présent que la proposition de loi ne vise que les débiteurs qui sont domiciliés ou qui ont leur siège social en Belgique. La question se pose de savoir si le législateur a voulu explicitement exclure les débiteurs étrangers de ce principe. Il faudra pour ce faire attendre la publication du texte définitif de la loi – ou ses premiers commentaires.

Effet interruptif de la prescription octroyé à une citation nulle pour défaut de forme

Une autre modification des règles procédant aux procédures civiles fut introduite par la loi du 16 juillet 2012. Cette loi est entrée en vigueur le 13 août 2012. Une des mesures contenues dans cette loi également les causes d’interruption de la prescription dans les affaires civiles.

Le législateur a opté ici pour un assouplissement des règles existantes. L’article 2246 du Code civil prévoit en effet que « la citation en justice, donnée devant un juge incompétent, interrompt la prescription en cours ». L’article 2247 prévoit ensuite que « Si l’assignation est nulle par défaut de forme (…), l’interruption est regardée comme non avenue ».

Pour le législateur, il y avait une certaine incohérence entre le système prévu à l’article 2246 du Code civil, qui offre un effet interruptif de la prescription à une affaire portée devant un juge incompétent, et celui prévu à l’article 2247 du même code, qui n’offre pas un tel effet interruptif à une assignation nulle par défaut de forme.

Les premiers mots de l’article 2247 sont donc désormais supprimés : même si une citation en justice s’avère nulle pour défaut de forme, elle aura cependant pour effet d’interrompre le cours de la prescription. Une telle citation est suffisante aux yeux du législateur pour manifester la volonté d’interrompre la prescription.

Là où l’effet interruptif attribué à une lettre de mise en demeure envoyée par un avocat ne jouera que lorsque cette lettre répondra aux critères prévus au nouveau §2 de l’article 2244 du Code civil (voy. ci-avant), et où un tel effet ne sera pas atteint si une de ces conditions n’est pas remplie, la signification d’une citation, même devant un juge incompétent, ou nulle pour défaut de forme atteindra quant à elle bel et bien ce but interruptif de la prescription, ce qui peut paraître étrange au regard de la volonté affichée du législateur de supprimer des incohérences…

Remarquons enfin que pour les contrats d’assurance qui tombent sous le champ d’application de la Loi sur le contrat d’assurance terrestre, l’article 35 de cette loi prévoit des règles spécifiques en matière d’interruption et de suspension de la prescription d’actions découlant du contrat d’assurance. La prescription d’une action est ainsi interrompue si la déclaration du sinistre a été fait en temps utiles (sans évidemment qu’il soit exigé qu’une telle déclaration ait été faite au moyen d’une lettre d’avocat). Cette interruption court jusqu’au moment où l’assureur fait connaître sa décision par écrit.

Nous n’avons à ce jour pas connaissance d’une initiative législative qui tendrait à modifier, dans un avenir proche, cet article 35 de la Loi sur le contrat d’assurance terrestre.

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