La période de pré-soldes (ou période d'attente) est une période de +/- trois semaines précédant les soldes (d'hiver et d'été) pendant laquelle les commerces des secteurs de l'habillement, des articles de cuir, de la maroquinerie et de la chaussure ne peuvent annoncer de réduction de prix.
Les articles 52 et 53 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (ci-après la «LPCC») régissaient cette interdiction.
Depuis l’introduction de ces dispositions et surtout depuis l’adoption de la directive 2005/29/CE (ci-après la «Directive») relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004, beaucoup d’encre a coulé.
Cela a notamment donné lieu à plusieurs questions préjudicielles auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE »), posées notamment par la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 12 mai 2009, la Cour d’appel de Bruxelles a estimé que la réglementation belge était conforme aux objectifs européens dans la mesure où l’article 53 de la LPCC visait uniquement les relations entre concurrents. La Cour de cassation s’est cependant demandé si cette disposition était compatible avec la Directive.
Deux questions se posent :
1. L’interdiction des pré-soldes entre-t-elle dans le champ d’application de la Directive ?
Dans la mesure où la Directive ne couvre ni n’affecte les législations nationales relatives aux pratiques déloyales qui portent uniquement atteinte aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels, il convient de savoir si cette pratique vise à protéger les consommateurs.
2. Dans l’affirmative, cette interdiction fait-elle partie des pratiques interdites par la Directive ?
En effet, la Directive a établi, d’une part, une liste exhaustive de pratiques commerciales qui sont en toute hypothèse déloyales et, d’autre part, interdit les pratiques commerciales trompeuses ou agressives ou déloyales après une appréciation au cas par cas. A cet égard, la Directive vise une harmonisation complète, de sorte que des mesures plus restrictives ne peuvent être prises au niveau national.
Dans ce contexte, par un arrêt du 30 juin 2011 et une ordonnance du 15 décembre 2011, la CJUE a tranché partiellement la controverse en répondant que la Directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause (l’article 53 de la LPCC), pour autant que cette disposition poursuive des finalités tenant à la protection des consommateurs, dans la mesure où la disposition nationale ne fait pas partie des pratiques interdites en soi par la Directive. Cependant, la CJUE a précisé qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas dans l’affaire qui lui est soumise comme la décision de renvoi ne permettait pas d’établir les finalités de l’article 53 de la LPCC (protection du consommateur ou seulement des concurrents ?).
En tant que juridiction de renvoi, la Cour de cassation, a tranché la question dans un arrêt du 2 novembre 2012 et a considéré qu’il y avait un souci de protection du consommateur derrière cette disposition, de sorte qu’elle était contraire à la Directive. Elle a par conséquent cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. Cette cassation confirme par ailleurs la justesse de la position adoptée par certains tribunaux de première instance à ce sujet.
Cet arrêt sonne donc en principe le glas de l’interdiction des pré-soldes et autorise ainsi tout commerçant à faire des ristournes tout au long de l’année pour autant qu’elles respectent les autres dispositions de la LPCC.
Les ministres des classes moyennes, PME et indépendants Laruelle et de l’Economie et des consommateurs Vande Lanotte ont de suite contesté cette interprétation, en invoquant que cet arrêt se prononçait sur les dispositions de la LPCC qui depuis avait été abrogée et remplacée par la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (ci-après « LPMC ») et que par conséquent les dispositions de la LPMC étaient toujours en vigueur et devaient s’appliquer. Le SPF Economie a ensuite précisé que les infractions à l’interdiction des pré-soldes seront verbalisées.
Un tel raisonnement est pour le moins légaliste et hypocrite lorsque l’on sait que l’article 32 de la LPMC reprend quasi à l’identique l’article 53 de la LPCC, de sorte que la même logique devrait s’appliquer à l’égard de la nouvelle disposition de la LPMC.
L’on peut par conséquent s’attendre à ce que beaucoup de commerces ne respectent pas l’article 32 de la LPMC et se laissent assigner par le SPF Economie ou un concurrent, dans la mesure où il y a très peu de chances qu’un tribunal leur donne tort, à moins qu’après appréciation des faits en cause, leur pratique soit jugée trompeuse, agressive ou déloyale.
Nous vous tiendrons bien entendu informé de l’arrêt qui sera rendu par la Cour d’appel d’Anvers, cour devant laquelle la Cour de Cassation a renvoyé la présente affaire.