En cette journée internationale des droits de l’homme, les bâtonniers et les bâtonnières du pays visitent l’ensemble des prisons pour mettre en lumière les nombreux problèmes rencontrés dans le système carcéral, un système coûteux qui ne fonctionne pas et qui est néfaste pour les droits fondamentaux des détenus.
La réalité démontre que le « tout à la prison » n’est pas une solution efficace pour lutter contre la criminalité. Les prisons, petites ou grandes, se remplissent au fur et à mesure de leur construction. On y entasse les détenus sans distinguer les longues peines des courtes peines, les personnes condamnées de celles qui sont en détention préventive et attendent, parfois très longtemps, d’être jugées, ce qui ne fait que créer des hautes écoles pour délinquants. En outre, la surpopulation rencontrée actuellement dans les prisons et les conditions de vie indignes qui y règnent sont néfastes à la réinsertion. Elles augmentent le risque de récidives et donc d’insécurité dans nos rues. Ce problème concerne la société dans son ensemble. La population finance en effet un système dans lequel les conditions de vie et de travail, des détenus comme des agents pénitentiaires, sont indignes et dont l’un des effets est, paradoxalement, de contribuer à augmenter la délinquance, donc l’insécurité. Le système doit être repensé en profondeur !
Des alternatives à la prison
Pour les avocats francophones, germanophones et néerlandophones, il est plus que temps de réfléchir à d’autres types de sanction que l’enfermement, qui ne peut être l’unique solution à la délinquance, spécialement dans des conditions contraires aux droits fondamentaux dénoncées de longue date. « Si l’emprisonnement est nécessaire pour certains délinquants et criminels, il est essentiel de s’interroger sur l’efficacité d’un système qui, plutôt que de favoriser la réinsertion, semble accroître les risques de récidive », développe Me Frank Judo, le bâtonnier néerlandophone de Bruxelles.
Un tiers des prisonniers sont en détention préventive et cette proportion reste invariable, quel que soit le nombre de places dans les prisons. Ce sont des personnes présumées innocentes qui se retrouvent en prison avant même d’avoir été jugées. Et toutes les personnes emprisonnées ne constituent pas un danger pour la société. D’après les bâtonniers et les bâtonnières, il serait utile de trouver d’autres solutions qui co-existeraient avec le système carcéral. En fonction du type d’infractions ou de condamnations, les avocats évoquent la possibilité de penser à des transactions financières proportionnelles aux revenus de l’auteur de l’infraction ou à des peines de travail par exemple. La médiation ou la conciliation peuvent également être des alternatives dans certains cas. Une autre piste à explorer est de travailler davantage sur la prévention.
« Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le fait de mettre des délinquants en prison, mais de dénoncer un système qui n’est pas efficace et de s’interroger sur ce que l’on pourrait faire pour qu’il fonctionne mieux. Il ne faut pas oublier que les prisons doivent refléter la qualité d’un Etat de droit. Les conditions de détention doivent permettre au détenu de réfléchir à son acte et de devenir quelqu’un de meilleur et non pas quelqu’un de pire », explique Marie Dupont, la bâtonnière francophone de Bruxelles.
Privé de liberté, mais pas de dignité
Cette visite nationale des prisons met également en lumière le rôle de la profession d’avocat, en tant que gardienne des droits fondamentaux, également derrière les murs des prisons. La surpopulation et l’accès insuffisant aux soins, à l’éducation, à la formation et aux loisirs sont en effet quelques-uns des problèmes poignants auxquels sont confrontées les prisons belges. La Belgique a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par des instances internationales pour violations des droits de l’Homme dans ses prisons.
Les visites d’aujourd’hui ne sont que le début de visites régulières afin d’attirer l’attention sur la situation précaire à l’intérieur des murs de la prison et la contradiction que renferme le système actuel entre son but et la réalité constatée. Leur objectif est d’obtenir des changements concrets. Les bâtonniers et les bâtonnières effectueront ces visites en toute indépendance. Ensuite, les résultats seront compilés et présentés au début de l’année prochaine.
Les causes de la surpopulation carcérale
Contrairement aux idées reçues, les causes de la surpopulation carcérale ne résident pas nécessairement dans une hausse de la criminalité. Elle n’est en réalité que la partie visible d’un phénomène plus complexe : l’inflation carcérale, soit l’usage de plus en plus systématique de l’incarcération. Cette tendance est largement alimentée par une perception dominante dans l’opinion publique, qui voit la prison comme la solution privilégiée pour punir et dissuader.1
Par cette visite nationale des prisons, les bâtonniers et bâtonnières du pays appellent les décideurs politiques à s’atteler aux problèmes structurels du système pénitentiaire et de la politique pénale afin de rendre le système efficace, ce qui implique de traiter les détenus avec humanité. Ces réformes sont demandées non seulement dans l’intérêt des détenus, mais aussi dans celui de la société.