A la suite de l’arrêt de la CJUE du 20 octobre 2022, une réglementation nationale en marchés publics qui prévoit un double délai de paiement de 30 jours, soit 60 jours, est contraire au droit européen. En conséquence, l’Arrêté royal du 12 août 2024 modifiera notamment l’article 95 des Règles générales d’exécution : les contrôles et les paiements devront être effectués dans un seul « délai de traitement » de 30 jours, au lieu des 60 jours actuellement prévus.
Le régime antérieur : un double délai de 30 jours
L’A.R. du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution en matière de marchés publics prévoit en son article 95 un double délai de 30 jours, soit 60 au total, pour qu’un pouvoir adjudicateur procède au paiement d’acomptes ou du solde de l’adjudicataire.
- Le premier délai de 30 jours permet au pouvoir adjudicateur de procéder à la vérification de la déclaration de créance et de l’état détaillé des travaux, avant d’inviter l’adjudicataire à émettre sa facture.
- Le second délai de 30 jours concerne le paiement du montant dû à l’adjudicataire, à compter de la date de la fin de la vérification.
Dès lors, actuellement, le délai total entre l’émission de la déclaration de créance et son paiement à 60 jours.
L’arrêt de la CJUE du 20 octobre 2022 (C-585/20)
Récemment, la CJUE a eu à se positionner sur l’interprétation de la directive 2011/7, laquelle fixe, en son article 4, les règles de paiement en ce qui concerne les transactions commerciales dans lesquelles le débiteur est un pouvoir public.
Cet arrêt porte sur une affaire relative au recouvrement de créance en droit espagnol.
En effet, le droit espagnol prévoyait, à l’instar du régime belge décrit ci-avant, un double délai de paiement, portant le total à 60 jours.
Dans la lignée de sa précédente jurisprudence, la CJUE a jugé que « la directive 2011/7 ne conçoit pas la procédure d’acceptation ou de vérification comme inhérente aux transactions commerciales entre les pouvoirs publics et les entreprises. ».
Partant, pour que le délai général de paiement de 30 jours puisse être prolongé, une telle prolongation doit être expressément stipulée par contrat et « doit être objectivement justifiée par la nature particulière ou par certains éléments de ce contrat ».
La réglementation belge se voyait donc directement concernée par la portée de cet arrêt, lequel éclaire sur la portée de la directive.
Le nouvel arrêté royal du 12 aout 2024
Au regard de l’arrêt de la CJUE précité, le nouvel arrêté royal du 12 août 2024, prévoit l’introduction d’un « délai de traitement » ; autrement dit, le délai de vérification et le délai de paiement seront supprimés. Cela signifie que la vérification et le paiement devront intervenir dans un délai de 30 jours.
Il demeure possible d’y déroger si 4 conditions cumulatives sont remplies :
- Le délai de traitement plus long doit être expressément mentionné dans les documents du marché;
- La dérogation doit pouvoir se justifier objectivement par la nature particulière ou les caractéristiques du marché (mais il n’est pas exigé qu’une justification soit reprise dans les documents du marché);
- Le délai de traitement ne peut être supérieur à 60 jours ;
- Cette prolongation ne peut pas constituer un abus manifeste à l’égard de l’adjudicataire.
Une dérogation est également possible pour un pouvoir adjudicateur dispensant des soins de santé.
Afin de laisser le temps aux pouvoirs adjudicateurs de s’y préparer, le présent arrêté royal entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Néanmoins, il ne s’appliquera qu’aux marchés dont l’avis a été publié à partir de cette date (art. 15, AR du 12 août 2024) et non aux marchés en cours.
Notre conseil :
Ces modifications auront un impact quant aux calculs des intérêts de retards. Veillez à vérifier si les documents de marché prévoient une dérogation au délai de traitement.
Veillez à introduire votre déclaration de créance dans les délais et formes prescrits à l’article 95 notamment.