Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure les candidats ou les soumissionnaires d'une procédure de passation de marché public s'ils ont commis une faute professionnelle grave mettant en cause leur intégrité.
Le pouvoir adjudicateur peut prouver la faute professionnelle grave par "tout moyen approprié". Le Conseil d'État a statué dans un arrêt récent qu'il n'est pas requis que le pouvoir adjudicateur puisse présenter des preuves "irréfutables" pour que le comportement reproché puisse être sanctionné. (C.E., 20 décembre 2021, n° 252.479).
Il ressort de l'arrêt rapporté qu'un pouvoir adjudicateur, à la suite d'un audit interne sur certains accords-cadres en cours, a exclu un des adjudicataires pendant une durée de trois ans (à titre de mesure d'office) et n'a pas retenu ce dernier dans cinq procédures d'adjudication en cours. En cause, l’existence de liens étroits entre ce soumissionnaire et des membres du personnel de l’autorité adjudicatrice, ce qui n'était pas acceptable selon le code d'éthique de cette dernière. Ces liens avaient conduit en l’espèce à un favoritisme mutuel. L'adjudicataire concerné a alors introduit un recours en annulation contre les deux exclusions auprès du Conseil d'État. Dans l'arrêt en cause, le Conseil d'État n'a traité que de l'exclusion des procédures d'adjudication en cours.
L’adjudicataire a fait valoir devant le Conseil d’État que le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas fournir la preuve d'une quelconque faute professionnelle. Selon le requérant, l'audit interne du soumissionnaire ne constituait en effet pas une preuve au sens de l'article 69, 3° de la Loi sur les Marchés Publics.
Le Conseil d’État n’a pas suivi cette position en exprimant la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de prouver la faute professionnelle grave par tout moyen (de preuve) approprié.
Le Conseil d’État souligne ainsi que la preuve d'une faute professionnelle exige que le pouvoir adjudicateur soit en mesure de prouver que le candidat ou le soumissionnaire en question a commis une faute professionnelle concrète et individuelle. Le pouvoir adjudicateur ne peut donc pas se fier à de simples rumeurs ou à des plaintes anonymes. Un audit interne, en revanche, implique une appréciation suffisante, détaillée, individuelle et concrète des faits, de sorte que le pouvoir adjudicateur puisse s'y fier pour conclure à l’existence d'une faute professionnelle. Le Conseil d’État souligne également le large pouvoir d’appréciation des pouvoirs adjudicateurs pour qualifier un comportement de faute professionnelle grave. Il n'est ainsi pas nécessaire de prouver la faute professionnelle de manière "irréfutable". Le fait que l’adjudicataire n’avait pas connaissance du code de déontologie n'exclut pas que les faveurs réciproques, dans leur nature, leur étendue et leur fréquence établies, puissent être constitutives d’une faute professionnelle selon le pouvoir adjudicateur.
Enfin, le Conseil d’État confirme que la notion de faute professionnelle grave n'implique pas qu'un comportement pénalement répréhensible soit commis par le candidat ou le soumissionnaire exclu. Il s'agit ici d'un motif d'exclusion facultatif, qui peut être prouvé par tout moyen de preuve approprié. Ceci diffère des infractions relevant des motifs obligatoires d'exclusion, pour lesquelles une condamnation devenue définitive est nécessaire comme preuve (entre autres, parce que le pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice est ici plus limité).
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