29/02/12

La Belgique demeure-t-elle un pays attractif pour y établir des sociétés holdings?

Le texte qui suit est fondé sur le contenu de la note de politique générale du gouvernement fédéral publiée le 1er décembre 2011, les textes législatifs relatifs aux modifications qui seront apportées à l'impôt des sociétés n'ayant pas encore été finalisés. Il est ainsi possible que les mesures qui seront finalement adoptées diffèrent de celles évoquées ci-dessous.

Le gouvernement fédéral entend modifier certaines règles en matière d'impôt des sociétés, lesquelles - si elles sont adoptées - affecteront le régime fiscal des sociétés holdings belges. Voici lesquelles.

Imposition des plus-values sur actions réalisées à court terme - La plus-value réalisée par une société belge sur des actions d'une société "bona fide" (c'est-à-dire essentiellement une société normalement soumise à un impôt sur ses bénéfices similaire à l'impôt des sociétés belge) demeurerait exonérée d'impôt pour autant que la société belge ait détenu ces actions pendant une durée ininterrompue d'au moins 1 an. Sinon, la plus-value serait soumise dans son chef à un impôt de 25%. Les moins-values réalisées sur actions demeureraient cependant non déductibles, ce qui pourrait poser problème pour certaines sociétés de trading.

Ratio d'endettement et déductibilité d'intérêts d'emprunt - Certains ratios d'endettement limitent déjà la déductibilité fiscale par une société des intérêts qu'elle paie (ils visent des cas très spécifiques, notamment les intérêts payés à des bénéficiaires situés dans des paradis fiscaux). Une nouvelle restriction viendrait modifier le régime existant: les sociétés belges dont l'endettement à l'égard de sociétés ou personnes liées dépasserait 5 fois le montant de leur fonds propres ne pourraient pas déduire la partie des intérêts afférente à cet endettement dépassant ce seuil.

Déduction pour capital à risque - Ce sujet excède l'objet de notre contribution, les sociétés holdings ne bénéficiant que de manière fort limitée de la déduction pour capital à risque, la base de calcul de cette déduction étant réduite par la valeur comptable des participations détenues par la société concernée (lesquelles, pour une holding, représentent la majeure partie de ses actifs). Veuillez toutefois noter que le taux de la déduction sera réduit à 3% (ou 3,5% pour les PME) et que les déductions accumulées à partir du 1er janvier 2012 mais non utilisées au titre de l'exercice concerné ne pourront plus être reportées.

D'autres mesures initialement envisagées n'aboutiront pas (du moins pas pour le moment). Il s'agit d'abord de la limitation de l'exonération des plus-values sur actions à 95% de leur montant (les plus-values resteraient exonérées à 100%). Il avait aussi été envisagé de soumettre cette exonération à la condition que la société ait détenu une participation égale à au moins 10% du capital de la société dont elle vend des actions ou représentant une valeur d'investissement d'au moins 2.500.000 EUR.

Bien que les mesures proposées affecteraient le régime fiscal des holdings belges, celui-ci reste intéressant comparé à celui applicable chez certains de nos voisins. Retenons, par exemple, qu'au Luxembourg, les plus-values sur actions ne sont exonérées d'impôt que si la société venderesse a détenu pendant au moins 1 an une participation représentant une valeur d'acquisition d'au moins 6 millions d'euros ou au moins 10% des actions de la société dont elle vend des actions. En outre, la France ne permet une telle exonération qu'à hauteur de 95% (alors qu'en Belgique 100% de la plus-value est exonérée) et à la condition que la société venderesse ait détenu pendant au moins 2 ans une participation représentant au moins 5% des actions de la société dont elle vend des actions.

En revanche, ce qui constituerait un frein pour la Belgique dans son ambition d'être un pays de choix pour y établir holdings et centres financiers, c'est l'incertitude et/ou l'instabilité du régime fiscal. Notons à ce titre que le gouvernement entend modifier la portée de la disposition anti-abus (article 344, § 1er du Code des impôts sur les revenus). Le nouveau texte de cette disposition, tel qu'il circule actuellement, permettrait à l'administration de "redéfinir" un acte juridique pour permettre une imposition "correcte", même si les conséquences juridiques de la qualification donnée par l'administration ne sont pas identiques ou analogues à celles attachées à la qualification donnée par les parties. Ceci irait à l'encontre de la jurisprudence récente qui requiert une similitude de conséquences juridiques pour qu'il y ait requalification. Ce texte sonnerait le glas de "la liberté de choisir la voie la moins imposée" et créerait une grande incertitude qui pourrait remettre en cause bon nombre de structurations d'investissement et/ou de financement actuellement utilisées en Belgique. Nous ne pouvons donc que plaider contre un tel changement qui ne pourrait être, in fine, que totalement contre-productif. Notons aussi que la nouvelle restriction précitée en matière de ratio d'endettement, dont il était d'abord question qu'elle ne s'applique qu'aux structures dans lesquelles des intérêts sont payés à des sociétés financières faiblement imposées établies, par exemple, au Luxembourg (structures de type PPL (profit participating loan) ou autres), s'appliquerait (même dans un schéma belgo-belge) à tout endettement entre sociétés liées même si la société bénéficiaire est pleinement imposée sur les intérêts qu'elle perçoit (créant ainsi une double imposition économique des revenus d'intérêts). Cette modification pourrait être fort dommageable pour les sociétés immobilières ainsi que pour les sociétés de projet.

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