21/02/12

Les modifications fiscales du budget 2012

La loi du 28 décembre 2011 “portant des dispositions diverses”, parue au Moniteur belge du 30 décembre 2011 (ci-après la « Loi ») contient une série de dispositions fiscales, décidées dans un contexte de restriction budgétaire.

D’autres mesures, annoncées dans la déclaration de politique générale du gouvernement, n’ont pas encore été coulées dans un texte légal, mais seront vraisemblablement adoptées dans les prochaines semaines, d’autant que la Commission européenne s’est montrée très critique à l’égard du budget 2012, en général, et de l’optimisme des perspectives de croissance retenues dans celui-ci, en particulier.

Nous examinons ci-après les mesures qui touchent plus particulièrement les entreprises, en distinguant, parmi celles-ci, celles qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012 et celles qui seront sans doute adoptées très prochainement.

I. Mesures en vigueur depuis le 1er janvier 2012

L’imposition des revenus mobiliers :

Augmentation des taux de précompte mobilier

La volonté du gouvernement de taxer plus lourdement les revenus mobiliers, sous couvert d’une volonté d’harmonisation, se traduit par une augmentation quasi-généralisée des taux de précompte mobilier, ainsi que des taux d’imposition distincts sur les revenus mobiliers :

- le taux de 15% qui était applicable à certains dividendes est augmenté à 21% ;
- le taux applicable aux intérêts passe également de 15% à 21%, à l’exception toutefois des intérêts des comptes d’épargne réglementés et des intérêts des bons d’Etat souscrits entre le 24 novembre 2011 et le 2 décembre 2011, lesquels demeurent soumis à un taux de 15% (en ce qui concerne les comptes d’épargne, uniquement sur la tranche d’intérêts supérieure à 1.830 EUR) ;
- la plus spectaculaire augmentation vise le rachat d’actions propres, puisque le précompte mobilier applicable au boni d’acquisition passe de 10% à 21%.

En revanche, à ce stade, le précompte dû sur le boni de liquidation résiste à l’augmentation générale et demeure fixé à 10%.

Enfin, les dividendes qui étaient passibles d’un précompte mobilier de 25% avant le 1er janvier 2012 demeurent soumis au même taux de précompte à partir de cette date.

Cotisation supplémentaire de crise

Outre les différentes augmentations du taux de précompte mobilier, une cotisation supplémentaire frappe les dividendes et les intérêts soumis à un taux de 21%, lorsque le montant net des revenus mobiliers du contribuable s’élève à plus de 20.020 EUR.

Cette cotisation s’élève à 4% de la part de ces revenus qui excède la somme précitée, en sorte qu’audelà de ce seuil, ils subiront une charge fiscale de 25%.

Ni les dividendes soumis à un précompte de 25%, ni les intérêts soumis à un précompte de 15%, ni le boni de liquidation ne sont soumis à cette cotisation, mais les deux premiers seront néanmoins pris en compte pour le calcul du seuil précité, étant entendu que, pour ce faire, ils seront comptabilisés en premier lieu.

En pratique, l’instauration de cette cotisation supplémentaire a également conduit le législateur à réintroduire une obligation générale de déclaration des revenus mobiliers, sauf ceux pour lesquels le contribuable a opté pour la retenue à la source de la cotisation supplémentaire.

Point de contact central

La Loi prévoit la création d’un fichier central dénommé « point de contact central », auquel les redevables du précompte mobilier sont tenus de communiquer toutes informations relatives aux dividendes et intérêts payés, en identifiant les bénéficiaires desdits revenus, à l’exception toutefois des dividendes et intérêts qui auront subi la retenue à la source de la cotisation supplémentaire.

Il s’agit là d’un véritable cadastre des biens mobiliers, permettant l’éventuelle mise en oeuvre d’un impôt sur la fortune.

Avantage en nature résultant de l’attribution de “stock-options”

L'évaluation forfaitaire de l’avantage en nature résultant de l’attribution d’options sur actions ou de droits de souscription, prévue par la loi du 26 mars 1999, est portée de 15 à 18% (ou de 7,5 à 9% en cas de réunion des conditions auxquelles l’évaluation réduite de moitié est soumise).

Cette modification n’est applicable qu'aux options offertes à partir du 1er janvier 2012 et non, comme prévu initialement, aux options sur actions attribuées à partir de cette date.

Conversion des titres au porteur

La conversion des titres au porteur émis par des sociétés belges en titre nominatifs ou en titres dématérialisés est soumise à une taxe, dont le taux s’élève à

- 1% pour les conversions effectuées au cours de l’année 2012,
- 2% pour les conversions effectuées au cours de l’année 2013.

La base de calcul de la taxe est la valeur des titres dont la conversion est sollicitée.

Voitures de société

L’avantage de toute nature résultant de l’utilisation à des fins personnelles d’un véhicule de société mis gratuitement à la disposition d’un travailleur est dorénavant calculé en appliquant un pourcentage- CO2 à 6/7 de la valeur catalogue du véhicule.

La formule est donc la suivante : Pourcentage CO2 x 6/7 de la valeur catalogue

Les deux variables de cette formule, à savoir la valeur catalogue et le pourcentage CO2, sont déterminées comme suit :

Valeur catalogue de la voiture

La valeur catalogue est égale à la valeur facturée, options et TVA comprises, sans tenir compte des réductions, diminutions, rabais ou ristournes.

Pourcentage CO2 :

Le pourcentage CO2 varie selon l’émission CO2 du véhicule concerné en fonction d’une émission de référence.

Le pourcentage de base s’élève à 5,5% pour une émission de référence-CO2 :

o 115 g/km pour les véhicules à essence, LPG et gaz naturel)

o 95 g/km pour les véhicules diesel.

Lorsque l’émission du véhicule concerné excède l’émission de référence, le pourcentage de base est augmenté de 0,1 % par gramme de CO2, avec un maximum de 18%.

Lorsque l’émission du véhicule concerné est inférieure à l’émission de référence précitée, le pourcentage de base est réduit de 0,1% par gramme de CO2, avec un minimum de 4%.

Enfin l’avantage en nature ne pourra, en toute hypothèse, être inférieur à 820 EUR par an.

Une loi “réparatrice” est actuellement en discussion, laquelle vise à tenir compte, pour la fixation de l’avantage en nature, de la dépréciation des la valeur des véhicules dans le temps ; selon l’avantprojet de loi, la valeur catalogue sera réduite de 6% par an au-delà de la première année, sans que la réduction qui en résulte puisse excéder 30%. La réduction maximum sera donc atteinte après cinq ans.

Déduction pour capital à risque (“intérêts notionnels”)

Longtemps décriés, les intérêts notionnels ne sont pas supprimés, mais réformés.

La Loi fixe dorénavant le taux plafond de déduction des intérêts notionnels à 3 % maximum (à majorer de 0,50 % pour les PME).

Par ailleurs, d’autres mesures touchant les intérêts notionnels sont en préparation ; elles sont explicitées ci-après.

II. Mesures en préparation

Vraisemblablement par manque de temps, la Loi ne contient pas l’ensemble des mesures fiscales évoquées dans la déclaration gouvernementale.

L’exposé général des budgets des recettes et des dépenses fait néanmoins expressément état, pour l’année budgétaire 2012, d’une série de dispositions, qui laissent présager une nouvelle et prochaine intervention du législateur.

Les mesures suivantes sont évoquées sous réserve de modifications qui pourraient y être apportées dans le cadre des discussions préalables à l’adoption des textes définitifs.

Intérêts notionnels

La possibilité actuelle de report des intérêts notionnels qui n’ont pas pu être déduits des resultants imposables, au maximum sur les résultats des sept périodes imposables suivantes, sera supprimée.

Un régime transitoire sera toutefois prévu pour les intérêts notionnels “ancien régime”, qui pourront continuer à être déduits des résultats des exercices ultérieurs, avec un plafond de 60% de la base imposable, sans affecter la première tranche d’un million d’euros de bénéfices imposables.

Taxation des plus-values sur cession d’actions

L’exonération de la plus-value résultant de la cession d’actions par une société sera soumise à une condition supplémentaire de détention des titres en question pendant un an minimum au moment de la cession.

La plus-value résultant de la cession d’actions dans l’année de leur acquisition sera taxée à un taux distinct de 25%.

Plans de pension extra-légale

Les engagements individuels de pension au bénéfice des dirigeants d’entreprise indépendants devront être externalisés auprès d’une compagnie d’assurances ou d’un fond de pension et ne pourront plus être constitués par la voie d’une provision interne.

A titre transitoire, les provisions internes déjà constituées pourront être conservées et seraient soumises à une taxe unique d’environ 2%.

En revanche, en cas d’externalisation, les montants versés à titre de prime seront soumis à une taxe de 1,75% avant 2015 et de 4,4% après cette date.

Enfin, une nouvelle limite s’ajouterait à la règle des 80%, en vertu de laquelle les primes ne seraient déductibles dans le chef de la société que si le cumul de la pension légale et de la pension extralégale ne dépasse pas la pension la plus élevée dont peut bénéficier un fonctionnaire (environ 70.000 EUR par an).

Règles plus strictes en matière de “Thin Cap”

La sous-capitalisation des sociétés est aussi dans la ligne de mire du nouveau gouvernement.

Aujourd’hui, sont seuls exclus de la déduction à titre de frais professionnels les intérêts d’emprunts dans la mesure où ils excèdent sept fois les fonds propres de la société et sont payés ou attribués à des bénéficiaires effectifs qui ne sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou sont soumis à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui résultant des dispositions du droit commun applicables en Belgique.

Il est envisagé de ramener le ratio capitaux empruntés / fonds propres à 5 pour 1 et d’inclure dans celui-ci, les prêts intra-groupes, en sorte que le champ d’application de la mesure s’en trouverait considérablement élargi. En revanche, les prêts contractés auprès d’institutions financières ne devraient pas être visés.

Mise à disposition d’un logement : augmentation de l’avantage en nature

L’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature résultant de la mise d’un logement gratuitement à la disposition d’un dirigeant d’entreprise est aussi appelée à être revue à la hausse lorsque le revenue cadastral non indexé de celui-ci est supérieur à 745 EUR.

Il est question de fixer cet avantage à l’équivalent du revenu cadastral indexé, multiplié par 100/60 et par 3,8 (au lieu de 2), ce qui aboutit à une augmentation de 90% de l’avantage forfaitaire.

Dans l’hypothèse où la société prend à sa charge les frais de chauffage et d’électricité, l’avantage forfaitaire passerait de 1.640 EUR à 1.820 EUR par an pour le chauffage et de 820 EUR à 910 EUR pour l’électricité. Ces montants sont indexables.

Renforcement de la disposition anti-abus

Enfin, l’exposé général des budgets des recettes et des dépenses pour l’année budgétaire 2012 fait état d’un renforcement prochain de la disposition anti-abus, qui permet à l’administration de requalifier un acte ou un ensemble d’actes distincts réalisant une même opération lorsqu’elle constate que la qualification qui lui / leur a été donnée par les parties a pour but d’éviter l’impôt.

La modification envisagée vise à écarter la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui n’autorise la requalification d’un acte par l’administration que pour autant que l’acte qu’elle lui substitue ait des effets juridiques identiques ou similaires en droit civil.

En outre, il est question d’inverser la charge de la preuve, en sorte qu’il n’appartiendrait plus à l’administration de prouver qu’un acte était uniquement guidé par une volonté d’éviter l’impôt, mais au contribuable d’apporter la preuve qu’un acte contesté poursuit un objectif principal autre que celui d’éviter l’impôt.

Si elle est adoptée, cette disposition augmentera sensiblement le pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale et contribuera à créer une insécurité juridique préjudiciable au contribuable.

Bien que le gouvernement assure que l’administration fera un usage modéré de cette règle, de nombreuses voix s’élèvent déjà contre celle-ci en raison du pouvoir excessif qu’elle confère à l’administration et de la violation du principe constitutionnel de légalité de l’impôt qu’elle induit.

Bien que très peu commentée actuellement, cette disposition fera très vraisemblablement l’objet de nombreuses discussions.

Une mesure similaire est annoncée en matière de droits de succession et d’enregistrement.

dotted_texture