La déduction pour capital à risque (communément connue sous le nom intérêts notionnels) s'applique depuis l'exercice d'imposition 2007. Cette mesure tend à stimuler le renforcement des fonds propres des sociétés, en réduisant la discrimination entre le financement par fonds empruntés et le financement par fonds propres. En effet, une société financée par emprunt peut déduire de sa base imposable les intérêts payés à sa société mère créancière, tandis que lorsque la société est financée par le biais d'un apport en capital, aucune déduction n'était possible. Toutes les sociétés assujetties à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents peuvent déduire de leur base imposable un montant calculé sur leurs fonds propres « corrigés » c'est-à-dire après déduction de certains postes du bilan comme les participations. Pour l'année de revenus 2011, cette déduction représentait 3,425 % (+ 0,5 % soit 3,925 % pour les PME) des fonds propres «corrigés». Lorsque la base imposable n'était pas suffisante pour absorber la déduction d'intérêts notionnels, l'excédent pouvait être reporté sur la période imposable suivante et ce durant 7 années consécutives.
Les modifications apportées et envisagées
L'accord budgétaire du gouvernement et la loi du 28 décembre 2011 ont apporté quelques modifications à cette mesure. Le taux de l'intérêt notionnel continue à être calculé sur base du taux OLO 10 ans en prenant la moyenne des taux OLO publiés mensuellement pour l'année précédant celle des revenus. La loi du 28 décembre 2011 limite cependant cette déduction à 3% (ou 3,5 % pour les PME) des fonds propres corrigés en ce qui concerne les revenus de l'année 2012 (Exercice d'imposition 2013).
Selon l'accord budgétaire, la possibilité de reporter l'excédent de déduction des intérêts notionnels en cas d'insuffisance de la base taxable sera supprimée. Toutefois cette suppression du report de l'excédent des intérêts notionnels ne devrait s'appliquer qu'à partir de l'exercice d'imposition 2013.
Pour les sociétés qui dispose encore à fin 2011 d'un excédent d'intérêts notionnels reportable, cet excédent pourra toujours être reporté mais selon certaines limites. A concurrence du premier million de base imposable, cet excédent sera totalement déductible. Pour le solde, le maximum d'intérêts notionnels déductibles sera limité à 60% la base imposable restante.
Ainsi à titre d'exemple, imaginons une société qui dispose à fin 2011 (Exercice fiscal 2012) d'un excédent d'intérêts notionnels reportable de 2 millions d'euros. Après avoir déduit les intérêts notionnels de l'année 2012 (Exercice fiscal 2013), la base imposable restante est de 1,6 million euros. Dans ce cas, la société pourra déduire son excédent d'intérêts notionnels à concurrence de 1,36 million euros (soit 1million + 60% de 0,6 million). Le solde des intérêts notionnels restant pourra être reporté sur la période imposable suivante. Cette nouvelle mesure a pour effet de diminuer la déduction de l'excédent des intérêts notionnels et de prolonger la période de report. Ces mesures prises et envisagées permettraient selon les calculs à engendrer un revenu supplémentaire pour l'Etat de l'ordre de 1.520 millions d'euros.
Une carte de visite unique au monde
Cette mesure fiscale est unique au monde et représente un atout majeur de la Belgique dans la concurrence fiscale exercée par les différents pays. D'aucuns ont parlé de paradis fiscal pour les grandes entreprises et voudrait voir cette mesure disparaître. Heureusement que le gouvernement n'a pas suivi cette piste tout en maintenant à juste titre la volonté de combattre les abus. En effet, cette mesure offre de grands avantages.
Baisse du taux d'impôt des sociétés :
En effet, il faut garder à l'esprit que le taux nominal d'impôt des sociétés en Belgique est de 33,99%. Si on compare avec nos pays voisins, notre taux d'impôt des sociétés est nettement supérieur aux Pays-Bas (25%), au Luxembourg (28,8%) et à l'Allemagne (29,37%). Même la France nous bat de peu avec un taux de 33,33 %.
Cependant, grace à la possibilité de déduire les intérêts notionnels, le taux nominal d'impôt des sociétés de 33,99% passe en moyenne à un taux effectif d'impôt de l'ordre de 26% ce qui place donc la Belgique dans la moyenne européenne.
Attraction des investisseurs étrangers :
Chaque année de nombreux investisseurs potentiels frappent aux portes de la Belgique mais également à celles de nos pays voisins. Avec un taux nominal d'impôt des sociétés en Belgique à 33,99% comparé à celui de nos voisins, il va sans dire que leur décision pourrait être rapidement prise. Grâce aux intérêts notionnels de nombreux investisseurs prennent la direction de la Belgique.
Ce taux effectif d'impôt peut parfois encore être inférieur à 26%. En effet, pour les activités dont le rendement sur fonds propres est proche du taux des intérêts notionnels, il va sans dire que le taux effectif d'impôt sera encore réduit au plus bas. C'est pourquoi, certains disent que cette mesure attire surtout les capitaux qui servent à des activités de financement et ne permet pas de créer de la main d'œuvre.
Il est exact que la Belgique est devenue un emplacement idéal pour les activités de financement intragroupe. De nombreuses multinationales ont installé en Belgique leur centre de financement et emploient du personnel en adéquation avec les besoins de leur activité. Certes, une activité de financement ne nécessite pas l'engagement de nombreuses personnes. Mais ce qu'il faut souligner, c'est qu' à défaut d'intérêts notionnels ces emplois auraient été créés ailleurs qu'en Belgique dans des pays qui offrent également des conditions avantageuses pour les centres de financement. En outre, à ces emplois créés s'ajoute l'impôt payé par ces centres en Belgique.
En ce qui concerne les activités de financement, les intérêts notionnels ont également eu pour effet de maintenir de l'emploi en Belgique. De nombreux centres de coordination qui perdaient leur statut ont décidé grâce aux intérêts notionnels de rester en Belgique et ce malgré une charge fiscale plus importante que celle dont ils bénéficiaient de par leur statut.
A côté de ces centres de financement, d'autres activités génératrices de main d'œuvre et pouvant bénéficier d'un taux effectif d'impôt attractif se sont établies et peuvent encore s'établir en Belgique. En effet, la Belgique peut représenter une localisation idéale pour les activités de services, de production ou de distribution au sein d'un même groupe. Ces activités intra-groupes supportent peu de risques et sont dès lors rémunérées en conséquence par une faible rémunération. Cette rémunération est souvent calculée sur une base « cost plus » à savoir que les coûts sont refacturés avec une marge conforme au prix du marché. En capitalisant adéquatement ces sociétés et en appliquant la déduction des intérêts notionnels, une fois encore le taux effectif d'impôt peut être très avantageux.
Sur base de ce qui précède, nous pouvons espérer que les intérêts notionnels aient encore un bel avenir devant eux. Envisager leur suppression pourrait aboutir à de graves conséquences en termes d'image, de confiance et de crédibilité. Les investisseurs ont avant tout besoin de stabilité.
La seule alternative serait une baisse drastique du taux d'impôt des sociétés, mais nous entrons dans un autre débat...